mai 2021 / 56 pages / 7 euros
mise en images : Camille CATHUDAL
–
ÉDITO : CLASH
Du conflit, le Littré, toujours délicat, nous indique qu’il est un choc de gens qui en viennent aux mains. Il nous précise aussi, oublieux de sa propre poésie comme à l’accoutumée, qu’au singulier, sa finale ne se lie pas dans le parler ordinaire. Alors qu’au pluriel, si. La forme rejoint le fond : finalité sans dénouement quand il est solitaire, sa résolution vers l’autre induit une dose nécessaire de violence.
Intérieur ou global, moral ou armé, d’intérêts, d’emploi du temps, de canard (si si, on y a eu droit, sans rire, et pas qu’une fois), c’est donc autour du (des) conflit(s) que j’ai eu l’immense joie d’intégrer pour de bon l’équipe Dissonances.
Et conflit il y a eu, quoique civilisé (le vin d’orange qui a régulièrement maintenu le comité hydraté n’est, à mon humble avis, pas pour rien dans cette civilité – le vin d’orange, cet instrument de paix méconnu…) Certains des textes qui composent cet opus nous ont divisés, opposés, arc-boutés sur nos défenses ou nos vétos, négociant, marchandant, jusqu’à réaliser que précisément, ces textes étaient sans doute ceux qui dépasseraient le thème en provoquant effectivement le conflit chez vous. C’est donc avec une satisfaction parfaitement sereine (le calme après la tempête) que nous vous livrons, entre autres, les variations des 21 auteurs qui fleurissent ce numéro, et les illustrations – opportunes de discorde – de Camille Cathudal.
Et que je vous redis ma joie d’arpenter désormais avec vous ce sentier et tous ceux à venir.
Ingrid S. KIM
–
DOSSIER « CRÉATION » : CONFLITS
Rachel ADALBALD : Courtoisie
« L’outrage est énorme ; / Perk chope la carabine et dégaine les vaisseaux mitraillettes ! Gardien de phare rachitique, / chèvre et chou, la gueule carbonisée sous les soleils d’hiver (noir, noir, noir – la nuit se détend) / trace sa toile dans les voies, / les perséides en champ de… »
Jeanne BARAN : Le facteur sioux
« Au début il y a le noir, tu descends, plus loin plus profond, c’est inévitable. Dans ta tête ça s’embrouille, ça bifurque, ça trafique dans tes neurones, le trou, la cave, la chape de noir comme au tombeau, ça t’envoie le goût de la terre dans les narines, les yeux, ça pique, ça te… »
Lou BATHAMY : Épiderme conflictuel
« Partout dans la tête / sur le pavé froid battu / et dans le ciel / dessinés les coups les fracas les os qui se brisent – combattre le souvenir. Et Marie toute seule toute bleue le crâne entre les deux épaules le corps bien en place, Marie est là immobile tout contre la… »
Xavier BRIEND : La fille sage près du buffet
« Pourtant je sens que je tremble, pas pour de vrai, pas véritablement, mais ça tremble en moi. Un vrai petit, non, mais non, c’est un grand nid d’amour ici. Je dis n’importe quoi, je m’enfonce, j’ai la résignation joyeuse. Qu’est-ce que… L’alcool, et puis les lumières qui… »
Tristan CADE : Blockhaus Babylon
« Le salon, malgré tout, était d’un confort raisonnable ; son aménagement conservait l’élégance normée des intérieurs d’aristocrates. Le papier peint était brun chocolat, avec un imprimé floral d’un ocre plus pâle. Il y avait du parquet – de longues planches très fines, très… »
Philippe CAZA : Le mur invisible
« « Les Fluxmols de la nation Fluxmoline appartiennent à la famille des nénufars (anciennement nénuphars). » Wikipédonculia / Ce jour-là, Nyarfon errait lamentablement le long de la frontière obvile à la recherche d’une occasion de. Seules des marques au… »
Pascal GIBOURG : Combat abstrait
« Afficher un visage paisible, intérioriser des conflits insolubles, perdre le sommeil, se réveiller chaque nuit le cerveau saturé de haine et d’impuissance. Crier, gémir, se plonger dans la violence et la vulgarité, appeler à l’aide, ne rencontrer personne. Voir des pendus, des… »
Sylvain GUILLAUMET : Nos cris de poupées sans bouche
« La vérité
sans plis
et celle… »
Louis HAËNTJENS : Bayuk
« Depuis l’aube des temps que nous boit cette terre, nous ne sait ce qu’en moi n’est pas devenu fleuve. Vase, branches, nous est né racines eau boue traîtresse, tout cela ensemble, un, entièreté indissociable indécantable que charrient lentement d’invisibles… »
Arnaud IDELON : Médée
« Tu voudrais l’embrasser. Là, poser tes lèvres sur celles qu’il a sévères, lui mordiller l’inférieure, passer un bout de langue, effleurer la sienne et puis fuir, le mordre à nouveau, plus fort cette fois, faire rougir la chair et accompagner ce second souffle d’une… »
Isabelle LARTAULT : (X) capables de
« (X) capables de s’accrocher auX murs grâce à des griffes rétractiles, que les murs se sont multipliés ces dernières années, qu’un mur est un ouvrage de maçonnerie s’élevant verticalement sur n’importe quelle longueur servant à enclore, à séparer des… »
Xavier LHOMME : Lothar, mon ami
« Quelque part en mer, février 1917 / Lothar, mon ami, / Je profite d’un moment de répit en pleine bataille pour t’écrire ces quelques mots. Même si je sais qu’il y a peu de chances qu’ils te parviennent un jour, cela me donne du courage de penser à toi. Je ne… »
L’Og : L’art de chasser l’éternité (déploiement dans l’uniement)
« On a dans sa poche quelques bonnes graines de batailles, des antiques, des classiques, des modernes, des nouvelles, des à venir sans nom déjà perdues et gagnées, qu’on garde précieusement car un malheur est si vite arrivé ! / On se rappelle un… »
Romain LOSSEC : Diplomatie
« avec M.A. nous avons, depuis longtemps, épuisé tous les motifs de dispute possible ; / c’est-à-dire que le territoire classiquement réservé à la lutte a été totalement balisé, qu’il ne reste plus d’espaces vierges dans le domaine normal de la querelle, du… »
Julie MARTIN-CABÉTICH : Le grig
« Le grig vit dans les vallées. Il s’est installé sur l’intégralité des terres cultivables. Toujours il geint : de n’en avoir pas assez, de mériter plus, de mériter mieux, que le monde décidément n’est pas à sa hauteur. Je le laisse faire. Mais qu’il approche des hauteurs, et la… »
Mathieu MAYSONNAVE : Un peu de sel
« Un peu de sel, s’il te plaît. / Pourquoi ce sourire ? / Si, tu as souri. Un sourire bref, satisfait, légèrement mâtiné de mépris. / C’est ça, je me fais des idées. Bien sûr. Tu souriais pour « rien ». / Je me fais des idées. Je vois le mépris partout. / Tu n’as rien dit, je sais. Mais le… »
Jean-Jacques NUEL : Fait d’armes
« ma seule action révolutionnaire / en bande organisée / a été l’attaque de la coopérative / des élèves de l’INSA / à Villeurbanne l’après-midi / du 6 mai 1971 // opération de commando / que je peux retracer / grâce à un article du Progrès / daté du lendemain / et… »
Nathalie PALAYRET : Starsky et Hutch
« C’était le verre ou la bouteille, on ne sait plus. / Mais c’était du rouge, c’est certain. On disait alors du gros rouge qui tache. / Lancé, balancé, fracassé sur le mur, le verre ou la bouteille. / Le papier peint avec comme des motifs en velours, des arabesques. C’était… »
Hugo RACINE : Une dernière parole
« – Une dernière parole ? demande la fille, le doigt sur la détente. / Le flingue est pointé sur mon visage, pile entre mes deux yeux. J’ai beau chercher, je ne trouve trouve rien à dire. Je suppose que c’est ainsi, je vais mourir sans avoir pu saisir l’occasion. Je… »
Camille RUIZ : Bien
« la maison de T., dans la campagne, les volets clos de peur d’attirer l’attention. dans la cuisine il y a son frère, allongé, et il doit couper sa main gauche blessée par balle. T. peut voir les reflets de la lune sur les murs et entendre le vent chaud souffler sur la… »
Gaston VIEUJEUX : Guerre civile
« j’ai poussé la porte
et je suis entré
la femme était… »
–
PORTFOLIO : Camille CATHUDAL
« Le conflit est, par définition, un choc, un heurt se produisant lorsque des éléments, des forces antagonistes entrent en contact et cherchent à s’évincer réciproquement. À travers cette série de dessins, des conflits géologiques et géopolitiques sont mis en… »
–
RUBRIQUES « CRITIQUE »
DISSECTION (24 questions à un.e auteur.e connu.e) :
Laura VAZQUEZ
« Où vous êtes-vous sentie le mieux ?
Une fois je faisais des courses et j’ai vu une salade qui se faisait humidifier automatiquement par un petit appareil diffuseur de brume. Je me suis sentie bien devant cette image, c’était… »
DISJONCTION (4 regards croisés sur un livre remarquable) :
Laura (Éric CHAUVIER)
« Étrange livre que ce Laura que j’ai lu et relu sans savoir au final si je l’ai aimé ou pas : je trouve très efficace (parce que vraiment troublante) l’embrouille narrative sur laquelle il se base (le texte est le dialogue d’une femme et d’un homme qu’entrecoupent… »
DISSIDENCES (8 coups-de-cœur de lecture en domaine francophone) :
Philippe BARROT : Marché aux timbres (éd. PhB)
« Philippe Barrot éditeur (PhB éd.), revuiste (Les chroniques du çà et là) romancier chez Nadeau et nouvelliste, offre ici un opuscule sur les visages de la République, vue à travers la lorgnette de la vignette, banale et sans cote, figurant Marianne, des années… »
Yann BOURVEN : Beffroi (éd. Sulliver)
« Si l’intrigue de Beffroi s’articule autour d’un écrivain cherchant à fuir la « Réalité-jour » et d’un orphelin foutraque aux Visions Lunaires qui œuvre à venger le meurtre de sa mère toxico au gré de Boucheries Burlesques, le caractère brutal de ce récit, avec le… »
Elisa Shua DUSAPIN : Vladivostok Circus (éd. Zoé)
« « Lumière rasante. Toujours plus blanche avec l’avancée de l’automne. En Europe, elle devient jaune, ici transparente. On dirait que la matière perd en densité, la pierre, le verre, le limon, l’arbre se craquellent, un froid sec. » Nathalie, une jeune costumière suisse, arrive au… »
Shane HADDAD : Toni tout court (éd. P.O.L)
« Toni tout court comme Toni pas plus que ça, comme une pas grand-chose mais un quelque chose tout de même, dans la gorge. « Toni se réveille un matin avec quelque chose entre le cœur et la gorge qui lui donne un air chagrin. Le matin elle est… »
Émilie NOTÉRIS : Macronique (éd. Cambourakis)
« Ça sonne comme une période géologique : le Macronique, juste après le Jurassique. Paléontologue avertie, Émilie Notéris scrute avec acuité ses strates et c’est la violence qui en surgit, dénominateur commun, fondement, ferment, et courant qui les… »
Paola PIGANI : La renouée aux oiseaux (éd. La Boucherie Littéraire)
« C’est pratique de se dire au sujet d’un poème qu’il n’y a rien à comprendre et de, finalement, se substituer à son auteur, plus violeur qu’exégète. C’est justement ce contre quoi luttent les bons textes : l’intrusion snobe des athlètes de la critique. Dans La… »
Lucie TAÏEB : Freshkills – recycler la terre (éd. La Contre Allée)
« Fresh Kills est le nom donné à l’une des plus grandes décharges à ciel ouvert du monde, implantée sur l’île de Staten Island à New York en 1948. Initialement pour trois ans. En fait pour cinquante de plus. Fermé en 2001, le site est peu à peu réhabilité en… »
WISIELEC : Hardcore (éd. Æthalidès)
« Hippomène d’Arcas est un jeune homme moderne. Urbain et connecté (hypersocialisé), il va à des soirées, y prend des drogues fortes, y croise d’étranges gens, y fait n’importe quoi : sa vie est une fête… mais il y est sans y être : en profonde « diserrance », il… »
D’ISTANBUL À RIO (4 coups-de-cœur de lecture en domaine étranger) :
Angela CARTER : Les machines à désir infernales du Dr. Hoffman (éd. de l’Ogre)
« Si cet ouvrage était une attraction, de celles foraines qui attirent et emportent dans des mouvements sinueux provoquant à la fois l’euphorie et la nausée, elle pourrait s’appeler « Le double saut périlleux trompe-la-mort de l’amour ». Ce pourrait être un peep-show offrant… »
Cookie MUELLER : Comme une version arty de la réunion de couture (éd. Finitude)
« Égérie de la scène underground new-yorkaise des années 70-80, muse déjantée, Cookie Mueller nous livre ses souvenirs dans un road-trip intense à l’image de sa vie d’actrice, performeuse, écrivaine, gogo-danseuse, guérisseuse, critique d’art… Avec elle, on… »
Ishikawa TAKUBOKU : Un printemps à Hongo (éd. Arfuyen)
« Le journal de Takuboku constitue un complément utile à la lecture des tankas du poète japonais disponibles en traduction chez le même éditeur. Le journal est rédigé en caractères latins dans le but d’échapper aux conventions littéraires de son époque autant… »
Virginia WOOLF : Journal intégral (1915-1941) (éd. Stock)
« On a parfois envie de replonger dans les totems de ses vingt ans et de s’offrir, pour la première fois, la lecture non-abrégée de celle qui nous a fait réaliser que « somme toute, plus on y réfléchit, plus étrange nous paraît notre propre structure intime ». Au fil des… »
DI(S)GRESSION (coup d’œil sur un domaine autre que la littérature – carte blanche)
Romain PARIS : Punks !
« De la Bataille de Stalingrad au Génocide Rwandais & du Délire létal des Khmers Rouges au Naufrage du World Trade Center, la servitude volontaire a toujours tenu lieu de forfaiture envers l’Humanité. Quelle fut notre réaction juste après la Guerre de… »
DYSCHRONIE (journal des 6 mois écoulés – carte blanche)
Alban LÉCUYER : Hiver 2020
« 1er septembre : Vingt-cinq ans après, je retourne voir La Haine au cinéma. Derrière moi, une jeune femme qui doit avoir à peu près l’âge du film demande à ses copines : « C’est un film qui vient de sortir ? » Très bonne question. Si Vincent Cassel, Saïd Taghmaoui et Mathieu… »
One thought on “DISSONANCES #40 CONFLITS”
Les commentaires sont fermés.