DUSAPIN Elisa Shua | Vladivostok Circus

Coup-de-coeur d’Alban LÉCUYER pour Vladivostok Circus d’Elisa Shua DUSAPIN
DISSONANCES #40

«  Lumière rasante. Toujours plus blanche avec l’avancée de l’automne. En Europe, elle devient jaune, ici transparente. On dirait que la matière perd en densité, la pierre, le verre, le limon, l’arbre se craquellent, un froid sec. » Nathalie, une jeune costumière suisse, arrive au Vladivostok Circus où trois acrobates s’entraînent à la barre russe entre deux saisons. Elle doit dessiner leurs tenues de scène pour une compétition internationale, mais le directeur du cirque ne l’attendait pas si tôt et Anna, la voltigeuse du trio, se méfie de cette nouvelle présence féminine.
Tandis que Nathalie déambule, égarée dans son temps libre, à la recherche de sa place dans le groupe et de ce qui pourrait donner un sens à son travail, les répétitions sur la piste racontent un équilibre précaire construit sur le langage de l’effort et de la tension, de l’inlassable répétition des tâches. « Tu sais, quand je pense à tous ces petits corps suspendus entre le ciel et la terre, ça me fait sourire de me dire que parmi eux, il y en a pour qui se mettre à voler, c’est d’abord tomber. »
Dans ce roman où tout se disloque sans cesse pour aussitôt se rafistoler, émerge une certaine esthétique de la distance – lexicale, kilométrique, physique – et de son effondrement : Nathalie finira tôt ou tard par se confronter à ses itinéraires passés et par retrouver des figures familières.
Le récit d’Elisa Shua Dusapin chemine entre le chapiteau et la mer grise parsemée de porte-conteneurs pour nous faire ressentir à la perfection les soubresauts de l’œuvre en train de prendre forme1, et de se confondre peu à peu avec l’existence que chacun tente de se confectionner.

éd. Zoé, 2020
174 pages
16,50 euros