avril 2017 / 48 pages / 5 euros
mise en images : Laure MISSIR
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ÉDITO : SCÈNES DE NU
Sous le fard, le visage. Sous l’étoffe, la peau. Sous les mots, l’intention. Quelles qu’en soient les raisons, à la grande différence de nos amies les bêtes – les sauvages au moins – qui – à poil, plumes ou écailles – passent toute leur vie nues comme à leur naissance, agissent comme elles sentent, ne se paient pas de mots, nous humains habillons – c’est à dire déguisons. Sans doute cela tient-il à ce que nous sommes plus qu’elles conscients de nos faiblesses, sans doute cette conscience nous rend-elle plus craintifs et peut-être qu’avoir croqué à la pomme d’un langage vraiment élaboré a-t-il fait que les hommes « connurent qu’ils étaient nus ; et ils cousirent ensemble des feuilles de figuier et s’en firent des ceintures » (Gen 3:7). Le résultat en tout cas est que nous dissimulons à peu près tout le temps. Ce qui a ça de bien que tout découvrement (du corps que l’on désire comme de celui du Roi qui apparaît soudain (façon tombé des nues) ridiculement pâle sous ses costards Arnys) en devient excitant. Ainsi de ce dissonances tout en dévoilements (de vingt-deux auteur.e.s en partie « création » (Laure Missir aux visions), de Philippe Jaffeux se livrant aux questions de notre « Dissection », de l’émotion Marin, de Houellebecq mis cul nu pour une grosse fessée par les quatre chroniqueurs (pour une fois unanimes) de notre « Disjonction ») et puis c’est mai (enfin) : faisons ce qui nous plaît (à poil si nous voulons) ! Par exemple, lisons : bienvenue chez nu donc.
Jean-Marc FLAPP
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DOSSIER « CRÉATION » : NU
Jean-Christophe BELLEVEAUX : Le trouble
« Singapore Sling cocktail glacé au retour du bowling / L’orage quotidien d’équateur enfle sûrement dans l’air / Au dortoir du sixième étage la moiteur a pris le linge / Cinq dollars pour un lit / Quelqu’un dort qui doit être une…. »
Marc BONETTO : Trois haïculs
« Ce moustique affamé
Sur ta fesse gauche
Vais-je… »
Sara BOURRE : Ni le froid ni la foudre
« Dévoilement continu, peau après peau, jusqu’au blanc éclatant d’une moelle épinière. Jusqu’à la colère. / Nous sommes nombreux. Nus comme des pierres. Rien ne nous dissimule. / Nous avons le corps dur. Les tempêtes noires nous… »
Delphine BURNOD : Rire
« Tiens c’est la première fois que je le vois nu j’ai pensé quand il s’est levé pour s’habiller. Je ne l’ai pas tout de suite aimé comme ça : il était blanc, si blanc que j’ai eu envie de rire. Je me suis retenue jusqu’à ce que je n’en puisse plus et… »
Marquise de CARABAS : Encore belle
« Mon corps est lourd, un peu gourd. Dans les mains alertes de cette femme, je le sens maladroit, vacillant, hésitant. Elle me frictionne avec intensité, sans trop y penser, je dois être la dixième de sa journée. – Vous avez encore de belles… »
Louise CAREL & Jean CLÉMENCI : Nerfs à nu
« Au revers de ta peau je planterais mes crocs et baiserais tes os (si ce n’est pas abuser) sans même t’éveiller (nous serions nus bien sûr)
note 1 : Peau : carte parcourue sans… »
Henri CLERC : Moi je ne pleure jamais
« […] Je n’aurais jamais dû le laisser faire, déjà que j’ai consenti à ce qu’il ramène de l’alcool, mais non ça ne lui a pas suffi… il a fallu qu’il invite un ami… c’est affligeant, tous ces enfants sont sous notre responsabilité mais ça lui passe… »
Frédérick GAMBIN : PS)
« Nous pourrions être en Inde, être nus, ou ailleurs. Ici est un voyage. / Quand je vois l’âtre de la cheminée, il a dans son renfoncement des pertuis qui invitent, une constellation de fines langues ponctuées. Ta poitrine en… »
Véronique GAULT : Ad vitam æternam
« Il est allongé sur le lit. S’il n’avait pas la boîte crânienne défoncée, on pourrait croire qu’il dort. L’été touche à sa fin. Malgré tout, la chaleur est intense. Ce mois de septembre est le plus chaud que la France ait connu depuis… »
Élodie GILLIBERT : Comme si
« Personne ne doit savoir. Il est tard, on n’a pas le droit, on doit dormir. Personne ne sait. Les doigts mêlés dans la fourrure blanche synthétique, une couverture cousue par bandes. Les doigts caressent les bandes synthétiques dans… »
Isabelle GUILLOTEAU : Libération
« Un demi-siècle sans revenir au village. J’y suis le fou, le détraqué, le fils raté. L’enfant qui a vu et s’est tu. Ici l’amnistie s’est muée en amnésie. Les plus anciens continuent de s’enfermer dans un mutisme complice dès lors qu’on… »
Isabelle HUBERSON : Tous les hommes s’appellent Paul
« Lit d’hôpital centre gérontologique. Bras maigres tendons saillants peau parchemin court-circuit veineux au tracé exorbitant yeux clos bouche sèche parfois ouverte joues creusées deux fosses pommettes angulaires visage ciré gestes… »
Ingrid S. KIM : Strip-tease
« Il faudrait effeuiller cette langue qui en crève d’être offerte à des porcs, il aurait fallu les faire taire, tout de suite, et se saigner du dernier mot juste – plus pour leurs conneries, leurs je t’aime, la fraternité, la patrie – la tendresse même les… »
Thomas D. LAMOUROUX : Feuilles de rose
« C’est d’amour qu’il s’agit et qu’on vive C’est de humer la rose comme mange l’âne qu’on parle comme peut que faire Humer la rose eros et le destin de merde Les fesses sont là Les fesses sont là Les fesses sont roses et faut qu’on masse Qu’on… »
Béatrice MACHET : (déshabillons) l’alphabet
« nu(e)
réponse a : comme une vie aboutissant son cycle en automne
réponse b : comme un passage dans… »
Sébastien MÉNARD : Lointains & possibles
« Le feu continue de brûler. La nuit est déjà là depuis longtemps. Ils ont nommé les étoiles. Ils ont dit leurs fatigues. Ils ont mangé, ils ont bu. Leurs corps se reposent. Ils sont nus. À remuer des braises avec un bâton. De temps à autre, ils… »
Romain PARIS : Tu as beau te faire belle
« Oh my boiling baby, sais-tu que tu as beau te caparaçonner dans tes corsets style steampunk, t’accoutrer avec tes jupes glam rock ou crazy lolita, t’enrober dans tes jupons écossais ou de pin-up vintage, t’attifer de boléros romantiques et… »
Jan PECZKA : Abattoir
« […] voici la page, un désert vierge en attente ; y serai-je furtif, crachotant et inquiet ? y salirai-je les noms de dieu et de la sainte trinité ? m’y coucherai-je sans bruit – alors me viendraient des rêves de crapule qui s’enivre, copule, jure et… »
François PERETTI : À la rue
« Les toits malmènent mon ciel, à la rue – longs serpentins de soleil chevelures de gouttes azurs carrés piquants – et mes Saintes cloches sans tunes, qui hurlent et boivent braillent entre elles, tapent leurs cuisses fixées de rire puis… »
Lambert SCHLECHTER : Voir nu, regarder sexe
» ♣ Dans le Livre d’Habaqouq, 2 :15, il est écrit : « Tu fais boire ton ami pour l’enivrer et le voir nu ». La plupart des traducteurs traduisent le voir nu – Chouraqui, au ras du texte hébreux, écrit : regarder [son] sexe. / ♣ Dans « Letters to… »
Xavier SERRANO : L’acteur mis à nu par le regard même
« Canto 1 / Nous sommes les émanations des sous-sols. Ecoutez… Une assemblée de lèvres dressées sur des mâchoires au garde-à-vous, prêtes à sectionner ou à fourrer leurs trognes d’alien baveux dans des entrailles fraîchement… »
Ana TOT : En pelotas (lettre pour te la mettre)
« Vais tout te prendre, hijo de puta, je te dis. L’appartement, les enfants, l’argent, la viande, les os, los huevos, la voiture, les allocs, les organes et les meubles. Vais te faire rendre jusqu’à la dernière goutte. D’eau, de sang, de foutre, de… »
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PORTFOLIO : Laure MISSIR
« Quoi ? Faire dérailler le déjà vu, entrouvrir les volets des possibles, désynchroniser les sensations et proposer un lieu où respirer dans la fragile immobilité retrouvée. Le collage est une fenêtre d’évasion aventureuse. Il récupère les… »
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RUBRIQUES « CRITIQUE »
DISSECTION (21 questions à un(e) auteur(e) connu(e)) :
Philippe JAFFEUX
« Écrivez-vous plutôt « pour » ou « contre », « dans » ou « hors », « malgré » ou « à propos de » ? J’écris pour essayer de ne pas faire de choix ni d’utiliser ma volonté / Quelle est la part de la contrainte dans votre écriture ? L’écriture elle-même est ma contrainte qui est aussi… »
DISJONCTION (4 regards croisés sur une oeuvre remarquable) :
Soumission (Michel HOUELLEBECQ)
« Pour François, le personnage archi-principal de Soumission, tout tourne autour de Huysmans – « un ami fidèle » – et de la normalité de ses érections – « You-porn répondait aux fantasmes des hommes normaux, répartis à la surface de la... »
DISSIDENCES (8 coups-de-cœur de lecture) :
Laurent SAGALOVITSCH : Véra Kaplan – éd. Buchet/Chastel
« Alors qu’il vient passer quelques jours à Tel-Aviv dans l’appartement de sa mère décédée, un homme reçoit un courrier en provenance d’Allemagne. Les confidences posthumes d’une… »
Hubert HADDAD : L’êcre et l’étrit – éd. Jean-Michel Place
« Quand la vie vient à manquer tout soudain – drame intime et planétaire -, il est un poète, hanté par la mort, ultra-sensible aux frémissements de la dépossession, pour nous rappeler que… »
Marie COSNAY : Jours de répit à Baigorri – éd. Créaphis
« L’auteur évoque des bribes. Des notes prises au contact d’une cinquantaine de réfugiés partis de Calais pour un séjour de répit – terme qui dira l’épuisement, autant du refuge que de ceux… »
Michel LAYAZ : Louis Soutter, probablement – éd. Zoé
« Il promène sa drôle de silhouette le long de ces pages, Louis Soutter, violoniste de formation, issu d’une famille aisée, un jour marié et installé, le lendemain (encore dans la force de l’âge)… »
Marion FAYOLLE : L’homme en pièces – éd. Magnani
« J’en ai fini avec les mots de la littérature. Je me mets au dessin. À la BD, l’illustration. Je cesse de lire. Je regarde. J’admire. Je tourne les planches. J’apprécie les couleurs, les formes, l’… »
Jacques SICARD : Abécédaire – éd. La Barque
« Dédié à Gilles Deleuze, à son Abécédaire et au film réalisé en 1988 sur celui-ci par Pierre-André Boutang, L’Abécédaire de Jacques Sicard peut se lire et se relire en quinze minutes, à… »
Seyhmus DAGTEKIN : À l’ouest des ombres – éd. Le Castor Astral
« « La poésie est cette force de résistance que chacun peut, que chacun doit opposer à l’oppression, pour qu’une existence sans oppression puisse être possible entre tous les vivants ». C’est sur… »
Corinne LOVERA VITALI : Ce qu’il faut – éd. publie.net
« Passablement secoué, je repose Ce qu’il faut et j’écoute le silence de la nuit au-dehors alors que dans ma tête résonnent lancinants les échos très profonds de cette voix singulière (disgressive… »
DISGRESSION (carte blanche sur un domaine autre que la littérature)
Rachel BENITAH : Maguy Marin l’insoumise
« Qu’est-ce qu’on retient d’un spectacle de danse ? J’ai été récemment invitée par une revue genevoise à me remémorer des scènes marquantes de spectacles de danse en lien avec la sexualité. Loin de moi l’intention de répondre ici à la vaste question de… »