COSNAY Marie | Jours de répit à Baigorri

Coup-de-coeur d’Alban LÉCUYER pour Jours de répit à Baigorri de Marie  COSNAY
DISSONANCES #32

L’auteur évoque des bribes. Des notes prises au contact d’une cinquantaine de réfugiés partis de Calais pour un séjour de répit – terme qui dira l’épuisement, autant du refuge que de ceux qui l’occupent – dans un village du Pays basque français. Bribes de lieux, de rencontres, de souvenirs ; bribes d’un discours où l’on s’autorise l’oubli et les je crois. «  Il se peut donc que les personnes citées ne se reconnaissent pas […], je n’aurais évoqué d’elles (de leurs paroles) que ce qui rencontrait quelque chose en moi. Je les aurais installées dans un paysage forcément reconstruit. Qui n‘est pas faux d’avoir été reconstruit. »
Tout au long de cette «  aventure d’hospitalité », Marie Cosnay ne cesse de poser la question du langage. Celui, magnifique d’imperfections, de la traduction. Celui, devenu inerte, des sigles (Cada, Ofii, Frontex, etc) qui jalonnent les parcours migratoires. Celui, peut-être le seul qui importe en fin de compte, du corps de ceux qui n’ont pas encore réussi à atteindre leur destination. « C’est très dangereux, les camions. Dix minutes pour passer mais si tu respires pas. On se comprend avec les gestes. Les deux doigts, un tout petit espace entre les deux, pour montrer le peu de souffle, de respiration. Le signe qu’on est terrassé, la tête de côté, comme endormi, ou mort. »
Émerge alors une économie de mots symétrique à celle qu’imposent les langues apprises dans l’urgence, de cette urgence qui pousse à témoigner et à écrire en dehors de soi, à partir de soi, jusqu’à combler la distance avec l’autre. « Au bout du monde, qu’est-ce que tu aurais, toi, à offrir, qui ne passe pas par la langue, qui soit collectif ? »

éd. Créaphis, 2016
72 pages
8 €