DAGTEKIN Seyhmus | À l’ouest des ombres

Coup-de-coeur d’Isabelle GUILLOTEAU pour À l’ouest des ombres de Seyhmus DAGTEKIN
DISSONANCES #32

« La poésie est cette force de résistance que chacun peut, que chacun doit opposer à l’oppression, pour qu’une existence sans oppression puisse être possible entre tous les vivants ». C’est sur cette « Invitation à sortir de l’abîme », manifeste poétique et politique, que s’ouvre le recueil de Seyhmus Dagtekin, À l’Ouest des ombres. Il y proclame le pouvoir de lutte et de fraternité de la parole poétique, invitant le lecteur à « entrer dans un rapport d’égalité, d’échange et de découverte », car la poésie est « au centre des choses », « au cœur des êtres ». Le poète, lui, n’est plus le « voleur de feu », mais celui qui œuvre à « ce que chacun puisse voler de son propre feu » et « [vienne] avec sa part de feu réchauffer le déclin de l’autre ».
Un préambule dense et puissant qui concentre la démarche et l’engagement de l’auteur. Mais pour sortir véritablement de l’abîme, il faut se laisser porter par le flux poétique de Seyhmus, suivre ses fulgurances à travers les cinq parties du recueil. Sentir le souffle de cette poésie qui agite les éléments en embrassant la vie : « Sans que le verbe n’épuise le sommeil des sens / Celui qui me retrouve au-delà des sens / Un rêve vivant dans un bois dont on ne connaîtra pas la fin / Dans un mélange de temps et de terre / Qui tombe sur la forêt entre peur et rêve / Et pas un fantôme ne me dira si je suis perdu ou si je te retrouverais / Comme si là était ma manière de nous dire multiple » et se laisser soulever par ses aphorismes : « Nous nous fracasserons contre le peuple total qui aura une faim d’avance sur le rêve  ».
À l’ouest des ombres qui avilissent, s’élève la parole lumineuse de Seyhmus Dagtekin, « l’enivré de la goutte qui poursuit tes traces ».

éd. Le Castor Astral, 2016
121 pages
10 €