mai 2022 / 56 pages / 7 euros
mise en images : Anne MATHURIN
–
ÉDITO : ШAMΠAHCKOE ! *
Un jour tu te réveilles… et tu as vingt ans, putain.
Vingt ans de dissonances, de fiestas romanesques, de nuits pleines de mots. Tu y as cherché l’Ivresse. Tu l’as trouvée, souvent. Dans ton indéfectible insouciance, tu as remué la Merde, la Peur, le Vide, bondi vers le Futur, titillé le Tabou, appelé ta Maman, chopé de sacrés Orgasmes, joué avec les Feux, cultivé les Désordres : toujours en Mutations, tu t’es bien éclatée ! Accrochée comme une dingue à la littérature, tu y as cru. Tu y crois.
Autour de toi le Monde. Les réseaux, les milliards, l’hyper-dope des records. Sarkozy en Lybie, le djihad à Paris, subprimes & hystérie, Trump la Mort, Bowie non, les Kardashian en string, les sans-dents sur les Champs, mers d’ordures, tsunamis, Californie en feu, migrants échoués, Space X, Poutine en Walkyrie à cru sur Satan 2, les fafs sur ton palier, tonfa dans les quartiers, garde-à-vous, garde à vue, gare à toi… I can’t breathe.
Mais tu es incorrigible et un anniversaire (vingt ans, putain) ça se fête ! Tout au bord de l’abîme, tu pisses dans la coupe, tu la lèves très haut… et tu pirouettes :
*Champagne !
DISSONANCES
–
DOSSIER « CRÉATION » : CHAMPAGNE !
Hélène ARNAUD : Place d’Erlon
« Mes dix-sept ans aux fines bulles / À courir sous les lumières oranges de la nuit reimoise / Premières neiges de l’hiver / Je serre la main de ce jeune étudiant / Et sur la place d’Erlon poudrée-désertée nos pieds tracent / L’ivre esquisse d’une promesse / Fines… »
Pascal ARNAUD : Juste le temps d’en siffler une
« Je bois / à toi / fille d’un morceau de lune rousse atterri sur le zinc / écalé par le bruit de l’œuf dur que tu ne m’as pas / envoyé me faire cuire / un grésillement d’yeux et on a fui les fumeroles des / mégotiers qu’alimentaient sans relâche / des grappes d’idéologistes du… »
Sara BALBI DI BERNARDO : La d.lce vita
« un cil / qui ondule / une virgule / un tu / sur le bout de la langue / plumetis sur bas de soie / mer d’étoiles phosphorescentes / les lèvres tentent je goûte tout tremble / la musique entre en joie / déroule la lenteur / glisse enlace ma langue / de feutre tendre / aile de… »
Jean-Christophe BELLEVEAUX : Cul-de-sac
« J’ai reçu un courrier de quelqu’un que je ne connais pas. Dans cette enveloppe, étrangement, il y avait juste une photo. Est-ce bien normal d’envoyer sa photo aux gens, comme ça ? C’est la photo d’une femme. Assez déshabillée. Je suppose que c’est elle qui m’… »
Tristan CADE : Les draps sont froids, et la fête est finie
« La sueur autrefois tiède qui imbibe les draps les rend froids, collants et lourds. Sur la peau de Chloé ça fait comme une autre peau plus aliène qui l’étouffe : comme une peau de grenouille qui, n’étant pas la sienne, la bride et, en un sens, la menace. Elle bouge, contre la… »
Clément DESPAS : Ondine
« Ma dame est toute nue et, très gracieusement, souriant comme un chat, son regard malicieux planté dedans le mien, s’accroupit face à moi : prosterné, ébloui, narines dilatées je hume le parfum délicieux et chypré qu’exhale le bijou de chair rose nacrée de sa… »
Isabelle GUILLOTEAU : La nuit promet d’être belle
« À la mémoire de Mariam, Khazal, Hadia, Mubin, Hasti et leurs compagnons, morts noyés le 24 Novembre 2021 / « La nuit promet d’être belle car voici qu’au fond du ciel apparaît la lune rousse ». Rousse comme la longue chevelure de Mariam qui se pare avant de… »
François HUET : Une histoire du champagne en Suède
« Richard Brautigan remporta 8 fois le Nobel de Littérature. C’est prouvé. Ses discours commençaient toujours comme ça : – Mesdames et messieurs les jurés, vous qui avez eu la clairvoyance de reconnaître la supériorité de mon talent sur celui des… »
Nathalie HUGUES : Châtaigne
« J’ai vu écrit champagne / J’ai lu châtaigne / J’ai écrit chimpanzé / Je suis sortie faire les courses / pour acheter un avocat, du pain moulé / et une truite. / J’ai mangé l’avocat et la truite sur le pain / puis j’ai réfléchi. / Champagne, bof. / J’ai pensé aux Nazis pendant l’… »
Mathieu LE MORVAN : Marne
« …je t’ai suivie sous cette terre marneuse où s’étouffait le souffle des obus là-haut tout là-haut bien au-dessus de nos silhouettes en fuite, nous nous sommes blotties dans une alcôve dans un recoin de la cave, sa fraicheur l’odeur une tranchée immense et… »
Étienne MICHELET : Que plus rien n’existe
« Derniers mots, dernière ligne de Rigodon, avant sa mort, Céline écrit Reims… Épernay… de ces profondeurs pétillantes que plus rien n’existe… Cette fois, une fois pour toutes, les trois points terminateurs, et quoi ? plus rien, alors je verse, je vide, vide, vide la… »
Salomé PARRA : Fidélité
« Le bar embaume l’amour. Le désir colle aux murs, dégouline du plafond en faux stuc. Le plaisir brille en milliers de flaques sur la surface lisse et vernie du comptoir. Les enceintes gonflent sous les à-coups des basses et des cœurs, les verres s’entrechoquent sous la… »
Emmanuelle PELLÉ : Une certitude
« Elle répète que personne, jamais, n’emprunte cette route. Jamais personne s’entête-t-elle. Jamais et personne étant une vérité de quelques mois à peine. Quelques mois qui lui ont permis de se forger cette certitude à laquelle elle se raccroche au milieu des flashs bleus qui… »
Émilien ROUVIER : Les bains de la Païva
« La grande bourgeoisie du second-empire bâtissait dans les quartiers huppés des cimetières d’imposants mausolées à vitraux, arcatures gothiques et grilles fastueuses ; ces petits temples post-romantiques résorbaient dans un clinquant pastiche de sacralité l’ennui de… »
Nina SKARO : Bulle de champagne
« plus que l’envie de baiser, c’est me savoir accro à l’étincelle, au brasier mouillé que tu excites, que tu réveilles. plus que l’envie de m’enivrer et de lâcher : prise, contrôle, équilibre – plus que le désir qui longe mon dos et électrise mon cerveau – endormi, pensif, las – C’EST… »
–
IMAGES : Anne MATHURIN
« À un moment dans ma vie le pointillisme fut un véritable appel, la sensation d’être plus connectée aux images en même temps que diluée dans celles-ci et, malgré une lenteur inévitable qui peut sembler subie, de pénétrer plus concrètement et profondément dans mon… »
–
RUBRIQUES « CRITIQUE »
DISSECTION (24 questions à un.e auteur.e connu.e) :
Antoine MOUTON
« Quelle est la part de la contrainte dans votre écriture ?
J’écris sur un carnet, et j’aime bien que les textes finissent au bas des pages. J’aime aussi qu’ils excèdent ce bas de page, en amorcent une nouvelle avec un mot, une… »
DISJONCTION (4 regards croisés sur un livre remarquable) :
Toute seule (Clotilde ESCALLE)
« Ils se sont aimés – autrefois – et d’un amour si fort que leur différence d’âge (vingt-sept ans tout de même) ne posait de problème qu’aux plus jaloux des autres dont, tout à leur passion, ils se fichaient alors ; ils s’aiment sans doute encore puisque la perspective de la… »
DISSIDENCES (8 coups-de-cœur de lecture en domaine francophone) :
Hélène FRÉDÉRICK : Une grande maison cette nuit avec beaucoup de temps pour discuter (éd. L’Oie de Cravan)
« Le titre de ce recueil, constitué de courtes notes obliques accumulées au fil des jours auxquelles sont adjointes les chroniques publiées par Hélène Frédérick dans le journal culturel Le Bathyscaphe, est la réminiscence d’un rêve fait par son autrice. La couverture… »
Marc GRACIANO : Johanne (éd. Le Tripode)
« Je bute au bout du livre mais Johanne poursuit : je la regarde aller dans la « lumière noëlle » qui me renvoie à celle d’il y a trois cents pages (en treize chapitres et phrases de pure fluidité) quand elle m’est apparue, toute « Johannette » encore mais déjà sûre d’… »
Armelle LE GOLVAN : L’été selon Delphine (éd. La p’tite Hélène)
« Une plage de l’île de Ré. Une jeune enseignante en week-end dans la villa familiale se rappelle son corps adolescent, « masse informe échouée sur le sable. Côté pile ou côté face, même allure. Aucune allure. Un long tee-shirt tentant maladroitement de… »
Sandra LUCBERT : Le ministère des contes publics (éd. Verdier)
« Ce court essai salvateur, manuel de combat où Sandra Lucbert fait mouche à chaque phrase, se lit d’une traite avec jubilation. Ici sont démontées les unes après les autres les pièces de la machinerie du merveilleux rêve néolibéral devenu notre… »
Jean-Michel MAUBERT : Décombres (éd. de l’Abat-Jour)
« Décombres, livre ensorcelant, profondément mélancolique, habité de maintes présences qui vont et viennent, centrifuges et centripètes, réelles et chimériques, bâtardes, indécidables bien qu’intimes, plonge dans un état hypnotique, une… »
Gilles PLAZY : Fiction fragile du désir (éd. Tarabuste)
« Alors comme ça, j’attendais, cher Gilles, que vous soyez mort pour m’offrir ma première oraison. Les Lettres sont chiennes, vous savez bien. Seulement, vous m’avez devancé. Chez Tarabuste, vous avez remis au carré et comme en ordre (de sortie ? j’en… »
Noëlle RENAUDE : P.M. Ziegler, peintre (éd. Inculte)
» Ils avaient de la chance, les peintres, de ne pas être bridés par les mots et leurs sens […] » Quelques errances universitaires et puis c’est l’évidence : Pierre-Marie Ziegler choisit la peinture, sa mère le lui avait d’ailleurs prédit. Huit ans après la disparition du… »
Bruno SIBONA : Brasil à hauteur d’ondes (éd. PhB)
« Avec Brasil à hauteur d’ondes, Bruno Sibona fait d’une virée au fil d’une Amazonie animiste et des territoires rouges et arides d’un Brésil hallucinatoire une odyssée à la jonction du Vivant prodigieux et du Delta stellaire. Et avec Oratorio Guérison (qui… »
D’ISTANBUL À RIO (4 coups-de-cœur de lecture en domaine étranger) :
Ana BRNARDIĆ : Devant toi le jour (éd. L’Ollave)
« Ana Brnardić est née à Zagreb en 1980. Peu de poètes français sans doute seraient en mesure de pétrir la matière biographique avec autant d’allant et de liberté dans les images. On a l’impression que sa poésie est traversée par un désir de sobriété, une…. »
Igor GOUBERMAN : Journal de prison (éd. Joca Seria)
« « Exister prend sens dans l’acte de résister / À tout ce qui étrangle, à tout ce qui mutile ». C’est dans sa geôle de Sibérie que Yoann Barbereau découvre Igor Gouberman, écrivain dissident russe emprisonné en 1979, et décide de traduire ses vers qui… »
Layli LONG SOLDIER : Attendu que (éd. Isabelle Sauvage)
« Laily Long Soldier, jeune poétesse artiste sioux oglala signe avec Attendu que une première œuvre ardemment traduite par Béatrice Machet. Elle y expose d’abord ses « préoccupations » : l’enfance, l’amour, la maternité, l’absence, le vécu quotidien d’un… »
Rosa MONTERO : La bonne chance (éd. Métailié)
« Rosa Montero est une romancière qui aime jouer : elle se réapproprie les codes du roman historique, de la science-fiction, de l’essai-autobiographique, du roman policier… Et, avec La bonne chance, joue à détourner ceux de la romance, en les… »
DI(S)GRESSION (carte blanche sur un domaine autre que la littérature)
Isabelle GUILLOTEAU : HFT (confessions d’une everteen)
« Tu voudrais qu’il y ait des ascenseurs au fond des précipices. Été 84. J’ai 16 ans, l’âme en berne et le goût du néant dans les veines. Il faut pas rêver d’une tornade, ici les jours sont tous pareils. Si rien ne se passe, j’abrégerai ma vie terne à mon prochain anniversaire (on est très… »
DYSCHRONIE (journal des 6 mois écoulés – carte blanche)
Côme FREDAIGUE : Hiver 2021
« 1er septembre : Je commence cette dyschronie sous le signe de la procrastination : je vais me coucher, on verra ça demain. / 6 septembre : Après la laïcité positive et la laïcité ouverte, voici lalaïcité bisounours. Belle campagne de com à destination des… »
One thought on “DISSONANCES #42 CHAMPAGNE !”
Les commentaires sont fermés.