PLAZY Gilles | Fiction fragile du désir

Coup-de-cœur de Nicolas LE GOLVAN pour Fiction fragile du désir de Gilles PLAZY
DISSONANCES #42

Alors comme ça, j’attendais, cher Gilles, que vous soyez mort pour m’offrir ma première oraison. Les Lettres sont chiennes, vous savez bien. Seulement, vous m’avez devancé.
Chez Tarabuste, vous avez remis au carré et comme en ordre (de sortie ? j’en doute encore) votre poésie exigeante, prométhéenne, d’Orphée tenace : « Un dieu surgit dans la pureté du désir ». Ainsi vous seriez-vous enmausolé tout vif et désirant ? Peut-être bien quand même, mais selon votre architecture, et je vous envie. Vous avez finalement délivré sur cet excellent marbre votre totalité esthétique, inattaquable car parfaite d’une vie de Voyant. « La lucidité apprivoise le volcan ». Mais aurons-nous seulement vécu ? À mes affres crépusculaires, votre poésie, comme toujours et plus encore aujourd’hui, répond outre la mort : « Le menhir n’implore pas le menhir tient le ciel avec l’assurance tranquille d’un complice des étoiles ». Et pourtant vous vivez, ici, au pavage de ce recueil de granit qui pèse comme autant de stèles, où ne s’assagit pas votre langue-fusée[s], aux aléas trompeurs puisque maîtresse elle reste, quitte à écorcher un peu : « Fouaille à mains nues dans l’insensé soulève le rideau de la désillusion dans la transhumance de tes rêves ». Et pourquoi donc s’y faire ?
Alors comme ça, cher Gilles, vous n’êtes pas mort et vous m’avez devancé, dans cet après vous déroutant, irrésistible : votre élégance¹.

¹ Et j’aime ces quelques notes finales qui doutent « encore » et à raison… de moi.

éd. Tarabuste, 2019
101 pages
13 euros