MONTERO Rosa | La bonne chance

Coup-de-cœur de Julie PROUST TANGUY pour La bonne chance de Rosa MONTERO
DISSONANCES #42

Rosa Montero est une romancière qui aime jouer : elle se réapproprie les codes du roman historique, de la science-fiction, de l’essai-autobiographique, du roman policier… Et, avec La bonne chance, joue à détourner ceux de la romance, en les mâtinant d’un faux thriller psychologique.
Prenons un architecte réputé qui fuit dans un patelin dont la « laideur suprême » se situe aux antipodes de l’épure lumineuse des bâtiments qu’il conçoit ; ajoutons-lui une aura ténébreuse, la volonté d’«  échapper sa propre vie », de « formater sa mémoire et recommencer à zéro », des souvenirs coupables éclatant dans le récit comme de petits éclats d’obus ; opposons-lui un promoteur immobilier peu scrupuleux, une voisine au charme lumineux, des policiers aux missions troubles…
En agitant, on pourrait fort bien obtenir un roman de gare tendance feel good, mais la plume efficace de Montero évite les considérations psychologisantes sur la dépression et le besoin de devenir un autre, comme les enfilades de clichés sur la désertification des villages miniers qui tentent de survivre à l’abandon de l’État, en se recroquevillant sur une solidarité devenue nécessaire entre les habitants.
Si on peut lui reprocher des personnages secondaires trop manichéens, La bonne chance demeure un page turner à la bienveillance rafraîchissante, construit comme un conte où le Bien et le Mal s’affrontent sur un territoire délaissé par nos imaginaires modernes. Il propose ainsi une bouffée d’humanité fort agréable et une porte d’entrée modeste dans l’univers d’une romancière attachante.

traduit de l’espagnol par Myriam CHIROUSSE
éd.
Métailié, 2021
274 pages
20 euros