GRACIANO Marc | Johanne

Coup-de-cœur de Jean-Marc FLAPP pour Johanne de Marc GRACIANO
DISSONANCES #42

Je bute au bout du livre mais Johanne poursuit : je la regarde aller dans la « lumière noëlle » qui me renvoie à celle d’il y a trois cents pages (en treize chapitres et phrases de pure fluidité) quand elle m’est apparue, toute « Johannette » encore mais déjà sûre d’elle, juste avant le déclic puis toutes les aventures (les nuits à chevaucher dans le froid et la peur, le monde sauvage encore, les rêves, les horreurs, les rencontres nombreuses, décisives, merveilleuses…) et je prends la mesure de ce que j’ai vécu comme en rêve éveillé (dix jours fin février 1429 auprès de Jeanne d’Arc) et me dis une fois de plus que Graciano est grand et sa langue magique dont les arborescences et circonvolutions richement enchâssées de mots rares et beaux, en constant chatoiement, envoûtent (hypnotisent), font voir et ressentir (donc vivre) du dedans… mais on peut dire cela (et beaucoup d’autres choses) des sept livres d’avant : ce qui est nouveau ici, c’est que la pureté n’y est nullement souillée (elle le sera bien sûr – tout le monde le sait – mais seulement après), c’est que deux controverses (l’une théologique et l’autre politique – toutes deux de haut vol et grande actualité) ancrent splendidement le discours poétique dans le champ des idées, c’est que la dévotion de l’enfant-narrateur pour l’enfant «  folle-en-Dieu » illumine son récit (qui baigne dans sa lumière) en toute sensualité («  et l’odeur de Johanne était devenue poivrée et enivrante en ces jours qu’elle eut ses fleurs, et bien des fois je rêvais de passer la tête sous sa cotte de laine verte, afin de mieux l’odorer »). Bref une fois encore ce Graciano ravit, éblouit, et surprend. Et donc impatiemment (et même plus que ça !) j’espère le suivant.

éd. Le Tripode, 2022
304 pages
20 euros