octobre 2019 / 48 pages / 5 euros
mise en images : Corinne LE LEPVRIER
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ÉDITO : PERCER L’ABCÈS
En ces jours où l’Aseptisation du quotidien est gage d’approbation générale, ne crains plus, ami lecteur, d’ingérer le virus de la romance. C’est de cet écart entre notre idéal et l’expérience effective de la vie que jaillit l’impur. Impur : le souffle ardent du Conquistador qui déflore l’air vif d’une île vierge. Ce qu’on est, notre façon d’aimer, de vivre : cet abcès qu’évoque Artaud dans Le théâtre et la peste, qu’il faut percer afin d’Œuvrer à sa purification, et par lequel tout finit toujours par filtrer ainsi que dans la Grande Distillerie Existentielle. Impures : nos imperfections qui fleurissent face au bleu du ciel. Ces beuveries fornicatoires où batifolent les aberrations de cette Dimension en furie. Notre baroud d’honneur contre la Peste – ou toute autre forme de corruption ou de pourriture – expliquait Artaud en substance, est une crise cathartique après laquelle il ne reste rien que la mort ou qu’une extrême purification. Les collages de Corinne Le Lepvrier et les textes qu’ils mettent en lumière tentent de répondre – toujours avec éclat – à cet état de fait. Aussi c’est bien tout ça, ami lecteur, que tu y découvriras : ce sentiment d’exacerbation, à la fois désir fou et effroi vivificateur, cette souffrance sans fond qu’une abracadabrante soif de vivre persiste pourtant toujours à nourrir… Alors goûte vite à ce #37 : c’est pour toi une fieffée opportunité d’enfin sublimer le caractère impur de ta condition – sans prétention aucune, bien sûr.
Romain PARIS
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DOSSIER « CRÉATION » : IMPUR
Luna BERETTA : Chair avariée
« Il y a ces putains de flashs qui surprennent tout au long de la journée. La nuit c’est pire encore ; la nuit, c’est toujours pire. Le pouvoir du cerveau c’est sentir des brûlures même quand rien ne touche la peau. Le pouvoir du cerveau c’est ressasser infiniment les souvenirs qu’… »
Nicolas BLEUSHER : Je veux
« Je veux le dandy en hiver,
ses nuits confortables,
son humour au… »
François BONNEAU : Diamant
« Mon cœur claudiquant,
J’ai bien trouvé ta lettre, l’écrin, le petit nœud, en rentrant ce soir. J’ai lu, j’ai vu. Et, non, je ne peux pas être d’accord avec toi. Alors, comme tu le lis actuellement, je te réponds. Tu n’as… »
Marie-Claude BOURJON : Impure
« abjecte ignoble ordurière servile adultère impie infidèle avilie pourrie altérée boueuse corrompue fangeuse charnelle concupiscente libidineuse trouble contaminée infectée débauchée déliquescente dénaturée dissolue perverse dépravée dévergondée libertine… »
Christophe CHAUVET : La tueuse
« Je t’ai vu. Allez. Sors de là. Tu m’connais quand même. Je viens tous les jours. C’est pas la peine de prétendre. Puisque je t’ai vu. Elle enfonce un brin d’herbe pour faire sortir le criquet de son refuge. Mais le criquet s’obstine et Marie perd patience. Elle frappe du pied l’endroit où… »
Antonin CRENN : Molécules
« les copeaux détachés arrachés de la peau usée
râpée contre les carreaux les parois blanches
ça ne se voit pas à l’œil et pourtant je sais… »
Delphine GARCIA : Scinder la part de l’ange
« Va, sinue ton sentier de lave.
Trempe tes mains et extirpe les runes ;
les scories carbonées… »
Sasha HAKKEN : Nettoyage
« 1. L’ombre d’un avion de ligne survole une autoroute et nous indique la direction d’un lotissement mou et spiralique, le trottoir est orange fluo et un homme en combinaison thermique intégral et full black retient un chien noir à l’air menaçant à l’aide d’une… »
Kévin HENOCQ : Ellile
« Au menu enfant, Ellile est à croquer ; selon de vieilles tantes, à corriger. Affecte par-ci, infecte par-là. En Ellile, des ruses. Interroge le monde alentour avec ce qu’Ellile a de sens. Montre de l’agilité à esquiver les mandales planquées derrière un interdit ou de la pertinence à… »
Martine L. JACQUOT : Fourmillements
« Les parfums habitent l’air stagnant dans la chaleur écrasante d’un début d’été morose. L’élagage se fait de l’intérieur. Petit à petit. Douloureusement. Nous partons tous pour un ailleurs que d’autres fuiront à leur tour. Comme si cela en valait la peine. Comme si le… »
Ingrid S. KIM : Rivages
« À la lame il élague il
L’élague
Lames de fond loin de la… »
Armelle LE GOLVAN : Léa – acte 2
« Léa reconnaît le claquement de portière. Il arrive. Quelques minutes de retard, d’impatience. De longues secondes de doute, si jamais… s’il avait renoncé… « Comment un homme peut-il seulement désirer ce corps flasque, alourdi par l’enfantement. Comment peut-il seulement… »
Louis LEJAULT : Princesse
« Il verse la dernière goutte de la bouteille dans son verre carré. Ses yeux rougis sont éclairés par une ampoule nue qui pend au plafond. Elle crépite. Il est dans un appartement une pièce, des plaques de cuisson électriques incrustées de saletés derrière lui. Un petit… »
Mathieu LE MORVAN : Cairn
« « Il n’y a qu’un seul chemin… Du vallon, la route bifurque, celle qui vient de… c’est par là qu’il est arrivé. » Il est arrivé de son pas égal, habitué aux pierres à la montagne aux caprices du terrain aux accidents et il a vu la fille, de dos les bras menus croisés sur la… »
Michel REYNAUD : Descendre les blancs en neige
« Désireux de savoir ce que c’était d’être tout à fait blanc, je me suis allongé dans la neige. Contredisant toutes les lois de la physique, c’est moi qui me suis mis à fondre. J’ai bien entendu les appels de ceux qui étaient partis à ma recherche mais mes cordes vocales ayant… »
Marion TÉTREAULT-DE BELLEFEUILLE : Petite flaque
« Je l’ai réalisé quand ça a commencé à couler entre mes cuisses. Ça a fait une petite flaque sous mes fesses. C’était inconfortable. Moite et chaud et froid en même temps. Collant. Je n’osais pas y toucher. Je n’ai pas osé le toucher. C’était la première fois. J’ai… »
Lola THIERY : Le parfum de la crasse
« Il y a mon visage, il y a la fenêtre. Il y a l’extérieur.
Non.
Ce n’est pas tout à fait ça, ce n’est pas tout à fait cette… »
Laurent THINES : Sous la soutane du berger
« Enfant
des rues
Petit déjà… »
VINCENT : Deux nuits de plus à jouir dans la bouche de Dieu
« Alors tu vois je suis encore à un comptoir dans la nuit avec la rage et le désir fou de me détruire dans les tripes, je suis ivre et il y a cette pute, je veux dire une vraie pute, une qui tapine à un coin de rue et prend de l’argent pour tailler des pipes et ramasser dans son cul, elle et… »
X.C. : Impures
« On se croirait dans une publicité, pas vrai ? La photo sera du plus bel effet dans ton hall d’entrée. Les fillettes sont mignonnes, tout de blanc vêtues. Elles n’en demeurent pas moins impures. Fruits de mes égarements nocturnes, les angelots ont le nez d’Alain, le dernier arrivé dans… »
ZOÉ : La chasse
« Trois gouttes de sang sur un flocon de neige
Tracent de jolies fleurs
Se… »
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PORTFOLIO : Corinne LE LEPVRIER
« Quand je me présente, je dis souvent que c’est contre le tout venant de la parole que j’écris ; entre isolement du fragment, lignes, blancs et narration fabriquer du continu (est mon utopie intime et politique). Que le poème vient de et tend toujours vers sans tout à fait, mais… »
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RUBRIQUES « CRITIQUE »
DISSECTION (21 questions à un.e auteur.e connu.e) :
Marc GRACIANO
« Quelle est la part de la contrainte dans votre écriture ?
Nulle. Je n’écris que lorsque j’en éprouve le désir. Je suis contre l’idée de travail et revendique, avec Paul Lafargue, le droit à la paresse. Écrire est pour moi un jeu (parfois éprouvant)… »
DISJONCTION (4 regards croisés sur une oeuvre remarquable) :
Algorithme éponyme (BABOUILLEC)
« Babouillec est le nom que s’est donnée Hélène Nicolas, autiste « très déclarée sans paroles » dont le verbe éclate comme autant de sillons nouveaux tracés dans le champ des certitudes. Diagnostiquée (très à tort) « déficiente à 80 % », personne ne s’... »
DISSIDENCES (8 coups-de-cœur de lecture) :
Philippe BARROT : Sol perdu – éd. PhB
« « Santiago se saisit d’une lime et une à une effaça les lettres de la machine, les râpa jusqu’à la tige métallique. » Romancier, poète, chercheur, directeur de la revue Chroniques du çà et là et éditeur, Philippe Barrot sort un recueil fort original de quinze nouvelles dont… »
André BONMORT : L’âme avance masquée – éd. Sulliver
« Je me suis surpris à lire L’âme avance masquée comme si j’avais affaire là à un chapitre du Grand Livre du Souffle Vital, ou à un Cantique libertaire offert à l’incrédulité ambiante. On y plonge au cœur d’une prosodie de l’infiniment profond – aux hauteurs hors… »
Nicolas CAVAILLÈS : Rotroldiques – éd. Marguerite Waknine
« Après lecture d’un gros millier de romans, je n’en peux plus des histoires ou alors si, mais je vais au cinéma. Rotroldiques de Nicolas Cavaillès met à mal mon dire. Ou m’oblige à l’expliciter davantage. Il faut dire non aux raconteurs d’histoires quand leur écriture n’… »
Christophe DABITCH : Azimut brutal – éd. Signes et balises
« « Pourrais-je vivre ici ? » Christophe Dabitch parcourt le tracé du 45e parallèle nord dans le département de la Dordogne. En ligne droite fictive, zigzag réel, azimut brutal adouci. Que cherche-t-il dans cette marche sur cette zone d’équilibre, à mi-chemin entre… »
Marc GRACIANO : Au pays de la fille électrique – éd. Corti
« « Putain j’y crois pas, dit l’homme en se donnant des gifles légères, comme pour vérifier qu’il ne rêvait pas, regardez la jolie pute qu’on s’est dénichés là, […] », et vingt-cinq pages après (d’un « Prologue » effroyable fait d’une seule phrase aussi limpide et… »
Laurence HUGUES : Pas vu Maurice – éd. Créaphis
« La lecture de Pas vu Maurice s’apparente à une forme de trébuchement doux, de chute alentie qui dépose sans heurt les souvenirs d’un temps pas si lointain, calme sans être trop silencieux, quand Marie vivait dans sa maison du Haut-Forez, en Auvergne. C’est là que… »
Irma PELATAN : L’odeur de chlore – éd. La Contre-allée
« En 1945, Le Corbusier invente le Modulor, une norme architecturale basée sur les mensurations du corps humain et censée assurer à chacun un confort optimal. Seul problème : le morphotype de base correspond à une silhouette masculine athlétique mesurant… »
Joseph PONTHUS : À la ligne – éd. La Table ronde
« Avec ce journal intime poétique, Joseph Ponthus, éducateur devenu dépoteur de chimères, égoutteur de tofu, découpeur de porc, nous immerge dans son quotidien d’intérimaire, en écrivant comme il travaille, « À la chaîne, à la ligne », en vers libres et sans… »
DI(S)GRESSION (carte blanche sur un domaine autre que la littérature)
Thierry COVOLO : Portrait de Mikhaïl Nekhemievitch en artiste
« Ce 7 mai 1960 à Moscou, Mikhaïl Tal devient le 8ème champion du monde d’échecs. Il a 23 ans et personne avant lui ne s’est assis aussi jeune sur le trône mondial. C’est l’aboutissement logique d’un parcours sans faute et la confirmation d’une légende : Tal est un… »
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