DISSONANCES #19 IDIOT

octobre 201032 pages / 3 euros
mise en images : Lionel FONDEVILLE

ÉDITO : IDIOLÂTRIE

Ce qu’il y a de remarquable chez l’idiot, c’est qu’on le remarque. L’individu n’a pourtant rien d’exceptionnel : ni génial, ni fou, il est étonnamment banal, et ce qui le distingue – cette singularité qui lui tient lieu d’identité – n’entretient qu’un mystère ordinaire. On ne l’exclue donc pas, il reste de la famille ou du village, semblable invraisemblable somme toute rassurant qu’on regarde comme la paille dans l’œil du voisin avec ce qu’il faut de compassion – c’est bien le moins qu’on lui doive. Comme les pénates antiques, on lui fait une petite place, s’il reçoit son obole, c’est qu’il protège la maisonnée, conjure le mauvais sort ; on lui rend grâce de nous dédouaner d’un regard introspectif par trop mortifiant. L’idiot c’est toujours l’autre et c’est très bien comme ça !
Encore faut-il qu’il accepte d’être dupe car il n’est pas nécessairement stupide et sa logique paradoxale pourrait nous prendre en défaut.
– Si tu savais ce que tu es idiot !
– Si je le savais, je ne le serais pas. Si tu me le dis, je le sais et ne le suis donc plus, tu me suis ? Non ? Vraiment ? Ce que tu peux être idiot…
Mais brisons là et que raisonne cette voix dissonante que rien ne saurait arraisonner : ce 19ème opus encense l’insensé et sacrifie au culte de l’Idiot.

Côme FREDAIGUE

DOSSIER « CRÉATION » : IDIOT

Barbara ALBECK : L’idiot du stade
« Ne pas se laisser défaire : garder le moral, c’est le défi. Il me refuse, qu’à cela ne tienne, il n’y a pas de quoi s’en formaliser. Être fair-play, prêt-feu-partez, chacun son rythme, ne surtout pas le brusquer. Tant pis si je file et si lui n’avance pas, il faut s’… »

Ernesto CASTILLO : Après les inventions
« ainsi nous avons propulsé nos secrets sur la lune
dans l’orbite des satellites après les inventions
pour en dire ce que chacun comprenait un… »

Étienne DIEMERT : Laisser la langue filer
« l’écriture ne recueille pas les significations qu’elle véhicule
celles-ci ne se rassemblent ni ne s’ordonnent dans l’espace de la mémoire
pas d’empreinte mais… »

Tristan FELIX : L’idiot
« Lui seul est capable de rien qu’occuper le trou de sa conscience,
s’imprégner en toute innocence de sa larve blanche.
Lui, déduit de toute idée, sa désertion native l’… »

Jean-Marc FLAPP : Salsifi Day
« J’étais avec une fille et je crois que c’était bien mais je ne sais plus qui ni pourquoi ni comment : les pubs à la radio m’ont réveillé trop tôt. Maintenant c’est trop tard : la fille a disparu pareil que mon sommeil et je me retrouve debout, hagard et en… »

Lionel FONDEVILLE : Top rengaines
« 01. Il fait ses nuits ?    =
02. C’est que du bonheur. − 1 ↓
03. Qu’il est… »

Isabelle GUILLOTEAU : Suites (il)logiques
« Tu as un mois. C’est notre premier tête à tête. Je suis un peu intimidé, inquiet à l’idée de tout ce qui pourrait arriver. Je suis ton père mais je ne sais pas vraiment comment faire… Ta mère a tout prévu : ventre plein, couches changées, tu n’aspires à… »

Virginie HOLAIND : Le caillou de Brazzaville
« Je sais qu’il sera tué par le mot. On est souvent tué par le mot. Sans s’en rendre compte. Le mot l’a assimilé, il a assimilé le mot. Comme un baume amer, comme une idée effervescente et lui dissout dedans. Je l’ai quitté à cause d’un caillou. Je n’… »

Sébastien KARKOSZKA : « Que dire de toi ? »
« Que dire de toi ? Tu n’es pas celui qui regarde le monde. Tu as anticipé une façon de vivre. Le goût des baies t’est étranger. Tu considères les éclats comme des notions. Un ruissellement s’opère. Il n’est pas ici question de le contrer. Est-ce la force de l’… »

Alban LÉCUYER : Reduced Britney Spears
« Quand elle se lève, Britney commence par balayer les photographes morts au bord de la piscine. Puis elle met en route le système de filtration pour évacuer ceux qui flottent à la surface de l’eau. Parfois, au petit-déjeuner, il y en a un qui tombe dans son… »

Patrice MALTAVERNE : Triple idiot
« Il marche comme un automate avec ses nouvelles piles
Dans cette ville dont les désirs l’éclaboussent
Immergés sous les plaques tournantes des… »

Méryl MARCHETTI : Neuneux et plaisants
« Les seins ont une croissance continue tout au long de leur vie, même si cette croissance ralentit avec l’âge. Lorsque cette peau devient trop exigüe elle se déchire et détache du sein, remplacée en dessous par une autre nouvellement formée. La première… »

Michelle MARTINELLI  : Chups
« Il y a ces putains de flashs qui surprennent tout au long de la journée. La nuit c’est pire encore ; la nuit, c’est toujours pire. Le pouvoir du cerveau c’est sentir des brûlures même quand rien ne touche la peau. Le pouvoir du cerveau c’est ressasser infiniment les… »

Diane MEUNIER : Hors du dedans
« Il a ENCORE plié sa serviette de bain avant qu’elle soit sèche !
Je lui avais DÉJÀ dit la dernière fois : « tu as encore plié ta serviette AVANT
qu’elle soit sèche » ! Je le lui ai dit cent… »

Dominique PASCAUD : Les travers
« Il aurait juste fallu qu’elle me passe un petit coup de fil vers, je sais pas moi, 21h, ça m’aurait évité de foutre en l’air le dîner et de m’endormir devant le câble. Je dis ça, c’est sûr, techniquement c’est pas possible, j’ai plus de portable depuis deux mois. Elle… »

Anne PESLIER : Bec de seau
« Je compte les vivants dans un seau au signe de la mariée à l’aile tissée
cuire ta femme ronger herbe foin rage
ozeau-bas de pâquerettes la… »

Thomas ROUSSOT  : Esquirol, département Matisse
« Esquirol, département Matisse, HP,  les blouses blanches m’attendent. Début février 2009. J’ai brisé une vitre et quelques boîtes aux lettres de voisins innocents. La rage et l’angoisse assuraient une montée de pénombre dans mon néocortex préfrontal, la… »

Nicolas SCHOENER  : La bêtise des astres
« Le singe occidental
Danse à pieds joints sur les parquets
Sa vie est une orgie de… »

Guillaume SIAUDEAU  : Chanter pour les merles
« Il faut être idiot pour vivre
normalement
convenablement… »

Marlène TISSOT : Le gars assis à côté de moi dans l’Eurostar
« London St Pancras. Il est fenêtre. Je suis couloir. L’accoudoir baissé entre nous comme une petite frontière. Les regards qui se croisent en terrain neutre. Sourire poli. On échange quelques mots. En anglais. Puis je réalise en le voyant lire l’Équipe, qu’il est… »

Emmanuel VASLIN : Idiot moi-même
« c’est idiot mais je n’arrive presque plus à m’adresser à quelqu’un sans postillonner comme un idiot comme pince-mi qui se rend compte trop tard qu’il n’a jamais appris à nager ou bien quand elle porte cette jupe ultra-mini et qu’elle se hisse sur la crête des… »

Catherine YSMAL  : Alexandre
« Je parle au vent la bouche ouverte, prends les mouches au passage, suce les ailes, recrache, rudoie les bestioles, dissèque les invertébrés. Je passe pour un original, l’hirsute du village, celui du haut de la colline, la maison derrière le talus en… »

IMAGES : Lionel FONDEVILLE

RUBRIQUES « CRITIQUE »

QUESTIONS À (21 questions à un.e auteur.e connu.e) :
Lucien SUEL

« Votre ego d’écrivain vous gêne-t-il pour marcher ?
Je suis un être humain de passage parmi les milliards existant, les milliards ayant existé, les milliards à venir… »

REGARDS CROISÉS (4 regards sur une oeuvre remarquable)  :
Berthe pour la nuit (Antoine MOUTON)
« Une femme vit seule dans un village de six mille habitants du sud de la France. Son fils est placé chez une nourrice. Elle ne le voit pas souvent. D’ailleurs elle n’essaie pas vraiment, ne le peut pas : « Tu voudrais que ton enfant t’aime et t’oublie. Lui donner... »

FENÊTRE SUR (carte blanche à une revue ou un éditeur)  :
N4728

« Toutes les revues de poésie naissent, vivent et meurent comme les micro-civilisations qu’elles forment au cœur de leurs pages. Elles sont précaires et qui suit un peu leur évolution sait que leur vaste paysage (environ cinq cents revues francophones de… »