DISSONANCES #43 TRANS-

octobre 202256 pages / 7 euros
mise en images : Laurence MARIE

ÉDITO : SIC TRANSIT

Éprouver la rigueur des frontières et la joie de leur dépassement, c’est l’expérience que connaissent ceux que hante l’angoisse des limites. Transhumain (trop humain) pour qui les cases seront toujours trop étroites, on s’y cognera la tête jusqu’à les faire céder et tant pis si l’on y laisse des plumes. Auteurs transfuges, transgresseurs, transgenres, transplantés amoureux transis des transsubstantiations, tous trans, en quête d’un passage à l’acte : écrire. La page est un mur à franchir, une fenêtre à inventer pour qu’à ton tour, lecteur, tu puisses ouvrir une brèche dans tes édifices intimes. On ne te garantit pas que le voyage sera facile, on ne te promet ni la transparence, ni la tranquillité mais une traversée en eaux troubles vers des au-delà d’encre et de rêves. Les images de Laurence Marie seront autant de balises sur ton chemin, les réponses de Clotilde Escalle – pour qui toute poésie est un élan – un puissant viatique et, si tu sombres, que ce soit avec l’élégance du désespoir d’un Fabcaro !

Côme FREDAIGUE

DOSSIER « CRÉATION » : TRANS-

Rachel ADALBALD  : Transplantation du cœur sacré
« Flume se rêvait danseuse de ballet brosse, souris noire sifflotant ses opérettes, au lieu de, / se trimballe, / errance dans les vieilles mines. // Dans le fond des ruches, tout asphyxie ! / Rendre l’âme à l’art pour invoquer notre infernal. // Musique plein les joues pour… »

Pascal ARNAUD  : Cette fille-là
« Cette fille qui vide son sac / (elle le vomit un doigt dans la bouche qui n’est pas le sien) / sur la pierre noire d’un cul-de-basse-fosse ordinaire parmi les culs-de-basse fosse que l’on peut aussi appeler les alvéoles de la justice pour peu que l’idée de… »

Sara BALBI DI BERNARDO : Rien ne transperce
« rien ne transperce les mur / carreau blanc x 20 x 1 / 80 m² de / réfectoire-sucrier / couvercle fermé sur / mur x 4 sur / porte ouverte sur / porte close / fenêtres scellées // (pied pied pied pied plateau de bois plastifié) x 5 / chaise x 6 x 5 / (fourchette assiette couteau verre d’… »

Jean-Christophe BELLEVEAUX  : Asmara (transfuge)
« La Peugeot 305 est une automobile familiale produite par le constructeur automobile Peugeot de 1977 à 1989 à Sochaux (Doubs). / La Peugeot 305 Série 2 break se glissait beige dans la nuit qui restait douce – environ 15° C pour ce que j’en estimais, mais toutes… »

Françoise BIGER : Transfert de compétences
« Marcheur le long de la voie express 2 fois 2 voies que de voies dans ce cas destination nécessairement lointaine plusieurs dizaines de kilomètres en principe. / Marcheur sollicite par la simple extension latérale de son bras l’indulgence de… »

Antoinette BOIS DE CHESNE : Transverse.s
« # – 1 // Peu à peu, jour après nuit, la chape sera montée sous les vagues silencieuses de nuages effilochés, dispersés, disparus, accompagnée de ciels noirs brillants de points fixes et mobiles. L’air de l’été se ramassera, ses plis froissés les uns sur les autres sous la… »

Joseph CHANTIER : Transaminases
« Compte-rendu d’Analyses de Biologie Médicale du 21-10-2021 (extrait) / ASAT (SGOT) : 389 UI/L (<34) / ALAT (SGPT) : 666 UI/L (<55) // Mon foie est malade, est-ce que je suis malade, mon foie va me tuer, me transférer de l’autre côté à coups de vodka, pastaga, bières et… »

Clotilde ESCALLE  : Rouler le temps
« Brûlée, partie avec la caravane. Le gaz s’est emballé, une flamme plus haute a accroché  les rideaux. Des rideaux de nylon orange au-dessus de la cuisinière, c’était une mauvaise idée.  La mère venait de les accrocher, une femme du village les lui avait donnés. Encore… »

Emil KARLA : Transit
« Je croyais venir au pays des montagnes tristes, le pays de la peur des pentes (les troncs qui tombent, le sol mince, la neige sombre), sous les soleils effrayants des rochers où les trois cents bras blancs s’agitent, au-dessus du bois austral, vers le ciel, et les… »

Rina KENOVIĆ : Transpercer le noyau
« 1. // la tristesse trépidante est la première couche / de ses mains fines frêles elle / t’enveloppe / attention / à ses veines dangereuses / on les voit         bleues et vertes / elles se multiplient // la tristesse lacérante est la première couche / la première porte la… »

Thomas D. LAMOUROUX : Or(t)eille n°3
« En grec, un même mot (μορφή / morphế) désigne la forme et la divinité des rêves. // Morphée donne forme, prend forme, change de forme. Il mène le rêve, apporte le rêve, transporte l’esprit. Il avertit, appelle, est annonciateur, est transformateur, est suivi d’… »

Marie LE MOAL  : Le stade imaginal
« Le long d’un chemin bitumé en son centre et bordé de graminées, cardamines, liserons, plantains, renoncules, laitrons, rumex, séneçons, un terrain privé délimité par un buis d’un côté, flanqué d’un rosier fleuri et d’un portail de bois vestigial, un chèvrefeuille de l’… »

Salomé PARRA : Transsubstantiation
« Un haut volume d’air obscur. Sa profondeur est close par l’ombrage d’un mur dont les pierres paraissent en phase d’évaporation. Une lumière diffuse transperce cet espace indéfini. Un grand corps pâle, transpercé, est suspendu au-dessus du sol. Rien ne… »

Émilien ROUVIER  : Caroline est morte
« Caroline à la robe éblouie de blancheur. Caroline, rejetée par la vague. On te l’a rendue lavée, déraidie de son sel. La robe. Mais ce ne sont pas là ses hanches aériennes. Posés sous le mannequin, dans cette pièce aux volets clos, les petits souliers verts sont… »

Célia WAGENFÜHRER  : Le tombeau de Sagazan
« Il te faudra faire. // S’extraire de la vase que les quatre temps empêchent. Se débarrasser de l’écorce et garder l’essence de nous-mêmes à laquelle je mettrai le feu. Que dit l’ombre du Milieu du ciel à la femme affamée qui l’ignore ? Des astres mutables tu as l’… »

IMAGES : Laurence MARIE

« Je pratique la peinture à l’huile, l’acrylique, le dessin, mais aussi la photographie et la création digitale. Mon travail a été présenté dans plusieurs galeries, salons et expositions franciliennes, notamment le salon Figuration Critique et le Toit de la Grande Arche de… »

RUBRIQUES « CRITIQUE »

DISSECTION (24 questions à un.e auteur.e connu.e) :
Clotilde ESCALLE

« Quelle est la part de la contrainte dans votre écriture ?
J’écris sur un carnet, et j’aime bien que les textes finissent au bas des pages. J’aime aussi qu’ils excèdent ce bas de page, en amorcent une nouvelle avec un mot, une… »

DISJONCTION (4 regards croisés sur un livre remarquable)  :
Samouraï  (Fabrice CARO)
« Ils se sont aimés – autrefois – et d’un amour si fort que leur différence d’âge (vingt-sept ans tout de même) ne posait de problème qu’aux plus jaloux des autres dont, tout à leur passion, ils se fichaient alors ; ils s’aiment sans doute encore puisque la perspective de la… »

DISSIDENCES (8 coups-de-cœur de lecture en domaine francophone)  :
Aurélia BÉCUWE
 : Babeluttes (éd. Conspiration)
« Avec Babeluttes, Aurélia Bécuwe nous livre un dithyrambe à l’enfance doublé d’une diatribe contre la cruauté structurelle de l’arsenal éducatif, où des flash-back à vif portés par une prosodie aurifère et nous offrant à voir la sauvageonne furibarde qu’elle… »
Julien DIEUDONNÉ : L’ami d’enfance (éd. Signes et balises)
« Une ville nouvelle dans le nord de la France, des collégiens et quelques flocons de neige. C’est à peu près tout. Et c’est suffisant : il n’en faut pas plus à Julien Dieudonné pour ressusciter quelque chose de l’enfance dans ce premier roman si simple et si… »
Christophe ESNAULT : Vivre, 1 – 40 (éd. Des rues et des bois)
« L’œuvre se féconde à coups de truelle et d’emplâtres. Chaque opus en découd avec l’aliénation – de soi par le monde, de soi par soi, la première coupable de la seconde. L’humour escroqueur de mort y est noir, déviant. Mais ici, nulle provocation vacharde ni… »
Johan GRZELCZYK : Données complémentaires (éd. Ni fait ni à faire)
« Page 30. J’ai aimé assez de toi pour déjà t’aimer tout entier, même si ton ambition n’était rien moins que de tout raconter, de moi : « une histoire très vraie qui témoigne d’une fréquentation assidue de l’incompris. » Tu n’es pas un poème « barbarisme », plutôt un… »
Philippe HERBET : Fils de prolétaire (éd. Arléa)
« Il y a d’abord le père. Une existence tout entière organisée autour d’un épicentre (l’usine métallurgique) et d’une occupation du corps (sérielle, mécanique) raclée, essorée du superflu (la musique, la mode, la gourmandise, les conflits, les plantes vertes). Il y a aussi… »
Marie RICHEUX : Sages femmes (éd. Sabine Wespieser)
« Le tissu – fil, trame, linge, couture, ravaudage, tissage, tricot, tapis – est au cœur de Sages femmes où s’entrecroisent quête généalogique et rencontres multiples autour de Marie, narratrice attentive et sensible aux signes qui l’entoure. Descendante de trois générations de… »
Damien ROBIN : Grand souffle (éd. Passage(s))
« « Je suis arrivé au Bénin saisi par un impérieux désir, quoique obscur car lié à la mort. » De fait, beaucoup de fantômes hantent les pages de Grand Souffle (le grand-père de l’auteur, John Coltrane, Bob Denard, Fela, André Breton et bien d’autres encore parmi… »
Joëlle SAMBI : Caillasses (éd. L’arbre de Diane)
« Caillasses, on y transpire on y grelotte. Premier recueil de Joëlle Sambi, autrice performeuse afroféministe belgo-congolaise à la langue (au moins autant qu’à la présence scénique : à rencontrer, à vivre) éclatante, caustique, flamboyante. / Avec… »

D’ISTANBUL À RIO (4 coups-de-cœur de lecture en domaine étranger) :
Mark Z. DANIELEWSKI : La maison des feuilles (éd. Monsieur Toussaint Louverture)
« Difficile de dépeindre le grand bonheur que l’on éprouve en relisant un de ses livres cultes dans une nouvelle édition, surtout quand celle-ci s’annonce plus fidèle à l’édition originale. On découvre, fébrile et admiratif, les améliorations de mise en page proposées par… »
Regina José GALINDO : Rage / Rabia (éd. des Lisières)
« Regina José Galindo est née en 1974 dans un Guatemala ravagé par l’effroyable guerre civile qui, de 1960 à 1996, opposa junte militaire au pouvoir et groupes armés rebelles largement soutenus par les populations autochtones mayas et les paysans les plus pauvres, les… »
Thomas HARDY : Poèmes du Wessex (éd. de la Différence)
« L’œuvre romanesque de l’anglais Thomas Hardy (1840-1926), parce qu’elle fit scandale à sa parution (Jude l’Obscur) ou fut notablement adaptée au cinéma (Tess d’Urberville), a peut-être fait méconnaître le poète. Écrits à la soixantaine, ses Poèmes du… »
Ceija STOJKA : Je rêve que je vis ? (éd. Isabelle Sauvage)
« « Je me retourne, et j’y suis de nouveau. » Soixante ans plus tard, Ceija Stojka redevient ainsi la fillette Rom qui décrit, avec un regard naïf et stupéfié, l’horreur insoutenable des camps, puis la libération, le long et difficile retour dans une société d’où… »

DI(S)GRESSION (carte blanche sur un domaine autre que la littérature)
Émilien ROUVIER  : Gesamtkunstwerk (une soirée à l’Opéra)
« Adieu rivages de la jeunesse ! J’allais avoir vingt-huit ans et glissais par paliers très objectifs vers l’âge adulte. Certain de ne connaître bientôt que la plage intermittente des réductions chômeurs, je me faisais une règle de profiter sans envie du lot de « tarifs… »

DYSCHRONIE (saison 5)
Romain PARIS : Été 2022
« 10 mars  : Dire qu’il y a une quinzaine que my Fruity Fairy est partie en cajoler un autre en Alaska, au 1er jour de la Guerre d’Ukraine. Avec chaque jour environ 157 000 nouveaux macchabs sur Terre, et vu qu’aucun cri ne la fera jaillir là ni m’allumer du regard, Elle et sa… »