RICHEUX Marie | Sages femmes

Coup-de-cœur d’Antoinette BOIS DE CHESNE pour Sages femmes de Marie RICHEUX
DISSONANCES #43

Le tissu – fil, trame, linge, couture, ravaudage, tissage, tricot, tapis – est au cœur de Sages femmes où s’entrecroisent quête généalogique et rencontres multiples autour de Marie, narratrice attentive et sensible aux signes qui l’entoure. Descendante de trois générations de filles-mères, mère à son tour, la voilà confrontée à l’étrange deuil de ces inconnues à l’histoire mutique.
« Les prénoms se transmettaient donc en silence et sans récit, sans aucune image ou presque, qu’est-ce qui passait dans ce bagage ? »
Marie dénoue dans sa quête, brin à brin, l’écheveau du secret. Réalité et fiction se tissent au fil du récit où  l’on croise, au gré des circonstances, Sheila Hicks et Ouassila Arras, artistes textiles, Nicole Pellegrin, historienne, l’hôtel-Dieu de Reims, la règle de ses sœurs augustines, ses archives et ses étranges courtepointes brodées. Mais aussi, les bonnes fées, sa Tante F., couturière et sa tante M. sage-femme, sa petite fille Suzanne et ses pourquoi, les figures bibliques de Marie et Madeleine. Sans oublier la puissance des rêves, ce qu’ils chuchotent d’énigmes poreuses et porteuses avec leurs images fortes, rémanentes.
La langue orpailleuse de Marie Richeux, où roule et brille la vie ténue et ample, déploie ce roman littéralement tissé, où le tissu du texte – dont l’étymologie commune est texere -, offre un espace de réconciliation au sein de la sagesse des femmes. « Dans les langues anciennes, le mot fil rejoignait le mot destin, qui rejoignait le mot vie, qui rejoignait le mot maison, qui rejoignait, et sans aucun détour, celui qui désignait le giron maternel. Il y avait là un vêtement qui me tombait parfaitement sur le corps. Tisser, penser, donner naissance. »

éd. Sabine Wespieser, 2021
200 pages
19 €