HERBET Philippe | Fils de prolétaire

Coup-de-cœur d’Alban LÉCUYER pour Fils de prolétaire de Philippe HERBET
DISSONANCES #43

Il y a d’abord le père. Une existence tout entière organisée autour d’un épicentre (l’usine métallurgique) et d’une occupation du corps (sérielle, mécanique) raclée, essorée du superflu (la musique, la mode, la gourmandise, les conflits, les plantes vertes). Il y a aussi la mère, infatigable pilier de l’ordonnancement domestique, qui finira peut-être par résister à la force centrifuge des jours enchaînés, des « petites défaites de la vie ».
Dans cette autobiographie en creux, construite à partir des figures qui l’environnent, Philippe Herbet décrit un univers fait d’habitudes et de vides, circonscrit aux limites de la famille proche et d’une petite ville périphérique. Il désamorce les lieux communs en adoptant un présent simple et descriptif qui se superpose à merveille aux manières de la maison, crapotant de brefs paragraphes semblables au souffle court des vies de turbin et de tabac brun. À l’arrière-plan, le décor raconte l’avènement de la société de consommation et l’émancipation de la classe ouvrière par l’accumulation d’objets et d’envies d’ailleurs.
« Mon père construit des maquettes de voitures de course sur la table de la salle de séjour en regardant du coin de l’œil la télévision ou en écoutant la radio. Les illustrations des boîtes, avec leurs couleurs vives, les paysages ouverts sur un été ensoleillé où les nuages de beau temps défilent sur l’azur ont plus d’intérêt à mes yeux que la voiture terminée.  » Derrière les fenêtres closes pour échapper aux fumées des aciéries, il faudra au jeune Philippe des images, l’imminence d’un départ en vacances dans le sud ou des rencontres adolescentes pour entrevoir la possibilité d’un hors-champ à la modeste photo de famille.

éd. Arléa, 2022
79 pages
15 €