DISSONANCES #48 FÉERIES

mai 202564 pages / 8 euros
mise en images : Sébastien Louis OCYAN

ÉDITO : LE SORT EN EST JETÉ

Je pars pour le pays vaporeux où l’on tisse l’étoffe des rêves.

Dix-neuf sortilèges d’encre fraîchement jetés sur le papier attendent de frapper leur victime : magie élémentaire, curative, nécromancie, magie noire ou blanche, esquissée au fusain par Sébastien Louis Ocyan. Des récits bifurquent sans clignotant, des poèmes piquent là où ça fait du bien, des divagations caressent le réel avant de lui filer entre les doigts… Ici, la féerie surgit entre les lignes du train-train quotidien, se décline en mille nuances – tantôt douce et cristalline, tantôt sombre et ensorcelante. Pour parfaire la formule de ce 48ème numéro de Dissonances, quelques bonnes fées ont eu la bonté de se pencher sur son berceau : Jane Sautière pose délicatement ses ailes de poétesse sur notre questionnaire, Alain Damasio exorcise pour nous les charmes nocifs d’une Silicon Valley dysféerique, Dominique Boudou invoque le chlore des piscines pour dissiper les ombres, et Romain Paris nous fait partager ses visions d’une Amérique latine où cauchemar et rêve s’entrelacent.

Ne me cherchez pas, je suis déjà ailleurs, pris au piège délicieux de ce pays sans frontières. Et quand je reviendrai, peut-être n’aurai-je plus tout à fait le même regard sur ce monde qui nous semble si banalement vulgaire.

Alors, rejoins-moi, lecteur, ouvre les pages du grimoire et prépare-toi à voir la réalité s’effriter…

Côme FREDAIGUE

DOSSIER « CRÉATION » : FÉERIES

Catherine BARSICS  : État de la science
« Le retour / chaque jour / du matin // L’écorce et le lierre / l’aimant, la mue / la lune / ses marées // Revenir à la vie / après avoir / joui // Le lait, le vin / la neige // Le lin, les lèvres / le rose / aux joues // Recouvrer la vue / après s’être / menti // L’… »

Antoinette BOIS DE CHESNE : Sous le rire des lucioles
« Fol, éole, lux, lucioles, / leurs lueurs trouent la nuit / se font signe et palpitent / créatures légères / éphémères / sans cesse renaissantes / s’assemblent et s’attirent / murmure ivre sous la brise / ailes diaphanes / coruscantes / chuchotent le… »

Astrid BOUYGUES  : Bals masqués
« Sanaa – carte postale de Noël, petites fenêtres naïves en papier doré grossièrement découpé, collé sur du papier bleu nuit. Neige de chaux. / Mais Carnaval de Venise, tes duchesses furtives enveloppées de noir, un tissu vert ou rouge plaqué sur… »

Xavier BRIEND : Féeries pour une autre foi
« On a été séquestrés sur le Tuc de Pan par des bergers pyrénéens qui nous obligeaient à contempler sans possibilité d’arrêt, sauf à mettre des gouttes dans nos yeux bloqués sur les montagnes, comme ça des jours et des jours et… »

Joseph CHANTIER : Mirage
« du goût pour les belles choses / certainement ha ha ha / te souviens-tu de mon napalm de mon Viêt-Nam / des splendeurs incendiaires qui te griment / oh Mélusine mets l’usine à l’arrêt plan social ha ha ha reconversion / j’ai les actionnaires à vif / négocie ris…

Jean-Nicolas CLAMANGES : Survenants
« Ce qui paraît dans la lumière / est germination infinie
/ de formes en métamorphose / dont nous sommes avatars / avec nos corps nos visages / dont le roc les troncs la mousse / la dentelure des feuilles / les écaillures de l’écorce / déclinent tous les… »

Alain GÉRARDOT-PAVEGLIO  : Monte delle rose
« L’oiseau qui chante – sait-il où il est ? / – question pour nous qui l’entendons… // Lui, son chant est énergique, // Nous ne le voyons pas, / Nous sommes allongés au flanc d’un sentier, / sous l’ombre pleine d’un chêne vert. // Son chant accroît l’… »

Emma HOURCADE : La fée llation
« Ce soir c’est féérie Comme c’est fée tu te déguises T’es pas glorieuse glorieuse avec tes chaussures plastique Ton rouge Ton rouge à lèvres Ton rouge à trous Un dernier glaviot avant de gerber sur Tranber tu as 14-15 ans // À 6 ans tu avais déjà eu… »

Caroline HUGUES : Paillettes
« tu sais le David, tu vois ? / celui qui Looney Toons tous les week-ends // il est arrivé en bateau-stop / un jour comme ça / pour râcler le bitume / jusqu’à nulle part / (il y a laissé quelques chicots d’ailleurs) // un farfadet de la tech’ / camouflage… »

Jennifer LAVALLÉ : Nuit de Saint Sylvestre
« Les fées avaient trop bu / n’avaient pas senti l’alcool / paralyser leurs ailes / soûles sous le grand saule / elles s’injuriaient copieusement / ce n’était plus une féérie / mais une procession effrénée / sous la lune qu’encerclaient dangereusement les… »

Monia MA : Minuit
« elle frissonne / l’eau est froide elle avance / l’eau est froide / et son ventre / pourtant vide / frémit / immergé / remué caressé / par l’eau vive / de la mer / sous la lune / elle avance / et sent le sable sous ses pieds / il est doux il est mou / il est… »

Marion MAIGNAN : monique in the sky
« le rayon creuse / la chair tombe / mouches bleues / sous paupières pâles // implacables mes / déesses ont / mangé ma peau / crevé mes spores // (muscles tremblants baignent dans un épais jus noir) // des espèces folles / fouissent de leurs… »

Hélène MIGUET  : Petite cosmogonie
« La vie manque cruellement de paysage / J’ai ouvert un maquis de forêts de folies / Les lucioles y faisaient comme des papillons dans un ventre // L’aube bondée saturait de sylphes / Dans la flaque percée j’ai sauté // Par les pieds je suis entrée / en… »

Marthe OMÉ : L’alphabet en vermicelle
« Ce que j’aime en toi surtout en toi c’est que tu ne pardonnes pas Chère Imagination // Vous n’aurez qu’à mettre l’aiguille du compteur sur désirs vivants ordinaires sans scrupules ni black out // Chacun savait que les fous ne doivent pas… »

Théo PERRACHE  : Les fées n’existent plus
« Les fées n’existent plus / Les petits garçons les ont toutes tuées // Ils ont pissé sur leurs nids / Ils ont volé les poudres des papillons de nuit // Avec leurs doigts sales / Ils leur ont arraché les ailes // Ont arraché les tâches noires des coccinelles / Ont… »

Romain PONÇOT  : Notes
« Note de haut de page / Ciel du texte / Féerie / Contre-chirurgie idéologique // Ce matin, je me suis levé quand le réveil a sonné. Ai pris une douche chaude. Petit-déjeuner et café bien chaud. Ai marché jusqu’à mon lieu de travail. Tâches… »

Vincent RENAULT : Abracadabra
« Verser trois soleils silencieux / une ou deux meurtrières / deux douzaines d’alligators // Mouiller vingt mille yeux d’outre-mer // Blanchir quarante voleurs de feu / neuf constellations sans contrôle / deux immondices rapiécées // Écailler quatorze mille… »

Stéphanie VERMOT-PETIT-OUTHENIN : Poucette
« Un jour dans un pays du fin fond de l’enfance un ogre eut une fillette qu’il appela Poucette aima si tendrement qu’il ne la mangea pas à peine s’il prélevait parfois un morceau de chair tendre dans la nuit bleue du conte ton pauvre papa a faim un… »

Louis ZAHAGOUN : Fée Cœur Dragon
« La vie la joie la joie la / joie / L’odeur du savon / noir / Médoc pour dodo donné par amie médecin récupéré dans pharmacie Marseille // Pas Alcool sinon Mort // La mort au bout des doigts la mort au bout des / BOIS non merde Résiste Dors Vie / Demain… »

IMAGES : Sébastien Louis OCYAN

« Quand je dessine au fusain ou à la poudre de graphite, je considère le papier comme une surface révélatrice qui, en se noircissant, éclaire mon inconscient et celui du collectif, mais aussi l’histoire et le cheminement des formes. Une archéo-morphogenèse. Grâce aux… »

RUBRIQUES « CRITIQUE »

DISSECTION (24 questions à un.e auteur.e connu.e) :
Jane SAUTIÈRE

« Quelle est la part de la contrainte dans votre écriture ?
Il me faut souvent vaincre mes démons familiers, ceux qui, perchés sur mon épaule, me serinent qu’à quoi bon, ça a déjà été fait et tellement mieux. J’ai appris qu’… »

DISJONCTION (4 regards croisés sur un livre remarquable)  :
Vallée du silicium (Alain DAMASIO)
« Il n’est pas étonnant de retrouver Alain Damasio, arpenteur des marges et des angles morts, en enquêteur de la Silicon Valley dont le rapport se découpe en sept chroniques et une synthèse sous la forme d’une nouvelle de SF jubilatoire. / Sous l’égide de… »

DISSIDENCES (8 coups-de-cœur de lecture en domaine francophone)  :
Carol-Ann BELZIL-NORMAND
 :  Sanités (éd. Moult)
« Ami(e) d’inclusion, ton critique fait sa crise. Étymologiquement, il se divise devant le choix du… genre (aïe !). Un pied in & out ma propre tombe intellectuelle de mâle surdéfini… Chronique minée… / Donc, puis-je sincèrement lire girly ? Chroniquer… »
Caroline CRANSKENS
 : Là où (éd. Isabelle sauvage)
« « Où j’étais les plans craquent à nouveau je me tords pour gagner du temps inspire expire veillant le vide à gauche le plein / Où je suis il suffit de dire printemps pour voir tournoyer les feuilles et les encres au-dessus du sol pavé de poings levés et de… »
Luc DAGOGNET : Scarborough (éd. Do)
« Une grand-tante, sur son lit de mort, transmet à son petit-neveu, narrateur du récit, un vieux livre en héritage. Dans celui-ci, des adolescent·e·s disparaissent en prenant leur envol depuis une plaque d’égout… Puis la seconde fiction contamine la première, et… »
Clotilde ESCALLE : Jérôme, tout au bord (éd. Fables fertiles)
« C’est un drôle d’oiseau, ce Jérôme Veulin : échoué à la campagne – une campagne humide et inhospitalière où « la terre ricane et absorbe mollement » – il traîne à la Baudelaire sa tenace atonie entre la maisonnette où est morte sa mère et la… »
Lionel FONDEVILLE & Christophe ESNAULT : Ma vie® est une start-up (éd. Tinbad)
« Déséquilibre et perturbation au service d’une lucidité salvatrice autant que suicidaire sont la marque de fabrique de ce duo que nous connaissions musical et qui s’incarne ici dans une écriture politique en roue libre. Voici une chimère qui… »
Xavier GIROT : Villes intérieures (éd. RAZ)
« « Voici : je t’écris pour t’annoncer mon suicide, qui aura lieu ce mardi.  » Ce sont les mots que le jeune Xavier Girot, dans une lettre reproduite en début de livre, adresse à son ami Christian Lavigne qui rassemblera les poèmes du jeune disparu (20 ans) et… »
Shiho KASAHARA : Dans la forêt qui manque (éd. Quartett)
« « Elle », violoniste, se rend au Japon pour enterrer son père. Dans l’avion, dans le métro, chez une amie tokyoïte, à Paris ou au Japon, « Elle » écrit, lit, ses pensées vagabondent et nous racontent l’histoire d’une vie entre deux pays, deux langues, deux… »
Marielle MACÉ : Respire (éd. Verdier)
« Dans l’asphyxie de notre temps gangréné par la pollution (et donc les conditions de travail et d’exploitation des vivants), par les mots des dominants qui pervertissent, étouffent et contaminent ce qu’ils désignent, Respire crée un appel d’air. Il est de… »

D’ISTANBUL À RIO (4 coups-de-cœur de lecture en domaine étranger)  :
Helen HUNT JACKSON  : Calendrier de sonnets & autres poèmes (éd. La Part Commune)
« Amie d’Emily Dickinson, saluée par Ralph Waldo Emerson, Helen Hunt Jackson commence à écrire à 35 ans en 1865 après la mort prématurée de son fils Rennie. Femme engagée, militante de la cause amérindienne, célèbre pour son roman Ramona et… »
Souad LABIZZE : Brouillons amoureux (éd. des Lisières)
« Avec ses Brouillons amoureux, Souad Labizze capte en une succession de fragments poétiques la fugacité des instants d’amour, le flux et reflux des sentiments, explorant et entrelaçant désir et perte, rêves et désillusions, attente, séparation. Les… »
Pascale PETIT : Fauverie (éd. Le Castor astral)
« Pascale Petit est née à Paris en 1953, elle a grandi entre la France et le Pays de Galles et vit désormais en Cornouailles. À la réception d’une lettre de son père qui l’a violée lorsqu’elle était enfant, elle décide de revenir à Paris pour affronter une… »
UKETSU : Strange Pictures (éd. Seuil)
« Un dessin entraîne la réhabilitation d’une enfant criminelle ; des portraits étranges sont publiés sur un blog qui finit de manière abrupte ; un enfant disparaît en laissant derrière lui une étrange composition ; un professeur d’arts plastiques est… »

DI(S)GRESSION (carte blanche sur un domaine de création autre que la littérature) :
Dominique BOUDOU  : Marcher dans la piscine
« Enfant, j’ai beaucoup marché. Le long de la rivière. Le long des haies. Le long des marais. Et des chemins blancs. Et des coteaux. Eeeet. J’ai beaucoup marché sans aller nulle part. Je ne voyais que des ombres. Je n’entendais que des rumeurs. Des ombres et des… »

DYSCHRONIE (saison 10) :
Romain PARIS  : Hiver 2024
« 1er septembre : Aujourd’hui, paraît que l’Amazonie et la sylve angélique du Pantanal ne s’arrêteront pas de brûler. Je lis sur mon smartphone que ça s’arrange pas davantage en Israël, ça me rappelle les graffitis en soutien à la Palestine sur les… »