Coup-de-cœur de Sara BALBI DI BERNARDO pour Fauverie de Pascale PETIT
DISSONANCES #48
Pascale Petit est née à Paris en 1953, elle a grandi entre la France et le Pays de Galles et vit désormais en Cornouailles. À la réception d’une lettre de son père qui l’a violée lorsqu’elle était enfant, elle décide de revenir à Paris pour affronter une dernière fois cet être « mi-bête, mi-père » dans la « Fauverie ».
« Exiger de la douleur qu’elle se cristallise en beauté est une tâche difficile », écrit Rosmarie Waldrop ; une tâche pourtant si bien accomplie par Pascale Petit lorsqu’elle transforme un matériau insoutenable en une production artistique imaginative et inspirée, grâce à une formidable résilience créatrice. Comment dire l’indicible ? et le père qui le personnifie ? Tour à tour fauve, « lion », « panthère », « jaguar », puis ogre dévorant des repas d’une rare cruauté, le monstre se disloque et se distend pour devenir lieu, espace, « père Notre-Dame », « père-ville » ; les limites de l’homme disparaissent, son corps est supprimé.
Malgré l’omniprésence mortifère du père, le texte l’emporte toujours du côté de la vie, par l’évocation de la faune et par un usage presque magique des couleurs. On reconnaît les images de Frida Kahlo, Francis Bacon et Jacqueline Marval – les peintres fauves auraient-iels inspiré le titre du livre ?
En rendant à la lumière le « moi-de-la-cave », l’autrice opère une sorte de résurrection symbolique durant laquelle l’âme prend la forme d’un merle noir – si proche de l’âme-oiseau d’Alejandra Pizarnik. Écoutons-le chanter : « Quand ils m’ont enfermée à clé / dans la cave // et dit de compter / lentement jusqu’à cent, / chaque nombre / s’est transformé en plume de merle noir // et toutes les ténèbres / ont chanté // à travers la serrure / de mon bec jaune. »
traduit de l’anglais par Valérie ROUZEAU
éd. Le Castor astral, 2023
158 pages
15 €