BAYA | Mémoires effondrées

Coup-de-cœur de Côme FREDAIGUE pour Mémoires effondrées de BAYA
DISSONANCES #45

Mémoires effondrées retrace les soixante-quatre années d’existence d’Antoine Donelli, célèbre comédien fictif né en 1980 et décédé en 2044. Après sa mort, son fils retrouve des carnets illustrés dans lesquels il partage ses réflexions sur le deuil, le rapport à l’argent, le mystère de la création, la soumission à l’autorité, la quête de sens.
Ce roman graphique tient à la fois du roman d’anticipation, du journal intime, de l’autobiographie imaginaire. Les fragments dessinent par touches subtiles l’enlisement d’une société à la dérive, incapable de se remettre en question à «  l’heure où penser à long terme ne dure pas longtemps… ».
L’extraordinaire variété des styles graphiques déployés par Baya épouse à merveille les différents registres du récit : dessins tantôt expressionnistes, tantôt réalistes, collages, objets futuristes steampunk, bande dessinée… L’œil s’immerge dans ce flot d’images sans cesse renouvelées, y décèle des leitmotivs, des ruptures, se perd dans le brouillard, «  ce filtre où on creuse des yeux pour entrevoir la réalité ».
L’œuvre oscille entre sensibilité et réflexivité, humour et gravité. Au fil des planches, les strates de la mémoires défilent, sans chronologie, composant un paysage mental si vaste et profond qu’une étrange familiarité finit par s’instaurer entre le personnage et le lecteur.
On en ressort émerveillé par la beauté des images, touché par les résonances que la conscience d’Antoine tisse avec la nôtre, glacé par l’implacable machine folle qui emporte ce monde, avec en tête cette obsédante question : « Comment en est-on arrivé là ? »

éd. Rue de l’échiquier, 2021
192 pages
24 €