DISSONANCES #31 DÉSORDRES

octobre 2016 / 48 pages / 5 euros
mise en images : 
Isthmaël BAUDRY

ÉDITO : TÉLÉCHARGE L’APPLI DÉSORDRES GO !

Aucun auteur n’a pensé à ressortir des limbes la femme qui vivait dans son HLM sans avoir jamais descendu une poubelle ni le type de l’aide sociale qui vomit son pain aux raisins quand il passe la tête à l’entrée de l’habitacle ni le Premier ministre et autres débilos interchangeables sur les bancs de l’Assemblée nationale assaillis par une horde de joueurs méta-connectés pour nous offrir un final féérique de propulsion de merde liquide à tout-va grâce aux nouveaux produits d’une start-up approvisionnant en recharges les pistolets que tout le monde s’arrache. On attendra un peu pour visionner ça sur les réseaux sociaux où jusque là on aura perdu son temps. Les médias de masse reprendront les images. BFM TV sera notre amie et on achètera un exemplaire de tous les quotidiens nationaux en souvenir. Ceux-là même qui ne parleront jamais des vingt-et-un auteurs de notre partie création, sauf si l’un d’eux se fait avaler par l’industrie du livre. Cela dit, ces politiques et « journalistes » ne liront pas ce qui va suivre, pas plus qu’ils ne s’éveilleront – un jour proche ou lointain – à la conscience. Finalement, étonnante surprise, ce numéro censé t’aider à déprimer davantage est plutôt fun, et on s’en réjouit. Tu veux détourner la tête de cette vacuité devenue généralisée, alors fonce ! Si tu rencontres un poète, une pensée vive ou une image parfaite, dis-toi que quelques auteurs ont tenté l’expérience d’inspecter leur propre chaos (ou celui qu’ils ont observé). Ainsi, parfois, le désordre c’est la fête !

Christophe ESNAULT

DOSSIER « CRÉATION » : DÉSORDRES

Jean AZAREL : Le sexe savant
« Depuis le temps qu’on m’en a mis autant que j’en ai mis, par petites touches fournées tractopelle à tire-larigot en giclant en saignant en crémant en mouillant en séchant par grand soleil par tempête par grêle par parapluie gémissements… »

Marie-Paule BARGÈS : Tu me touches (oui, toi, oui)
« – oui toi – tu me touches grandement tu m’éparpilles tu me désordres tu noues dans ma poitrine tes doigts longs doux tu me tricotes des tremblements tu me flingues à balles dans l’estomac bang ! bang ! même pas morte – moi – j’en… »

Aurélia BÉCUWE : Conjugopathie
« Je te reconnais mais je n’en laisse rien paraître. Tu es l’homme avec qui j’ai arpenté l’ennui. Avec qui j’ai procréé et élevé, j’ai acheté et construit, j’ai dépensé et j’ai compté. Je n’aime pas ton regard compassionnel. Il sonne creux. C’est… »

Jean-Christophe BELLEVEAUX : Karl Marx ne m’est d’aucun secours
« torsion sont-ce encore bras visages dans les couloirs sortilèges marmonnés ah couloirs pour un lent glissement Cronos ricane c’est un endormissement l’hôpital prend tous les muscles la pensée elle-même simulacre paralysé… »

Luna BERETTA : Hors d’usage
« X se lève. Il pousse un grognement, manque de me marcher dessus et arrive finalement à m’enjamber sans me faire trop mal. J’ai la bouche pâteuse, collée, je ressens ma mauvaise haleine comme si elle se diffusait dans mon… »

Cédric BONFILS : Asphodèles
« Tes murs humides. Taches bleuâtres. Comme des veines écrasées dans une flaque de lait. Quinze mètres carrés. Personne d’autre que toi n’entre jamais. Et tu sors le moins possible. Il y a deux nuits, tu as vu Annabelle, elle marchait vite en… »

Sandrine CAPELLE : Mon Viking banana
« Tu as été ma pagaille intérieure. Non. Je mens. Tu es ma pagaille interne. Te voir me donne envie d’aller à la plage, de manger un beignet à la framboise, de boire une bière espagnole et de m’ouvrir les veines un matin d’été. Quand tu me… »

Sandrine CUZZUCOLI : D’après Hans Holbein
« Sur des panneaux de chêne la peinture à l’huile recouvre des manches bouffantes des soies de la fourrure différentes sortes de tissus probablement d’odeurs liées à ces tissus des couleurs exubérantes soit mais douces à… »

Clément DESPAS : Sens dessus dessous
« Soudain j’ouvre les yeux. La chambre est dans le noir et il fait vraiment chaud. Par la fenêtre ouverte sur la nuit étoilée au-dessus de ma tête s’écoule sur ma peau, le long de mon corps nu, s’étale sur le lit et du lit dans… »

Blandine FAURÉ : Jour de perte
« Un amour se termine. Tu es parti, c’est irrémédiable. Tu pars, définitivement, et mes espoirs sont deux grands yeux vides sans lumière. Je regarde au sol, j’ai perdu quelque chose, personne ne sait quoi et je ne parviens pas à leur… »

Amélie GUYOT : Les engrenages asymétriques
« j’aimerais tourner le dos à l’insécurité des programmes comme aux mandats divers, narguer les enclosures techniques nichées sous la langue de la gouvernementalité moderne, coulée du deuil assumé de la pensée, de la… »

Philippe JAFFEUX : Chaordre
« Ses pages se glissent entre des phrases qui nomment un spectacle du hasart Une circulation du chaos surmonte son approche de l’écriture Le hasart tourne autour de ses tourbillons d’intervalles Tes coups de dés mesurent l’… »

Ingrid S. KIM : Monologue
« Essuie cette tache de vin sur le carrelage beige. Essuie-la dans l’élan, avant qu’on ne te le demande, avant même qu’elle n’ait touché le carrelage beige, qu’elle ne l’ait sali, défiguré. Et mets tout ton cœur à essuyer cette… »

Clara MELQUIAD : En papier haché
« Sur la table de la salle à manger il y en a un peu partout : une paire de ciseaux, un tube de colle pour écoliers et tout un tas de magazines éventrés, laissés là ouverts parfois arrachés avec de petits morceaux d’eux-mêmes qui… »

Derek MUNN : Manger donne faim
« il fait chaud elle a froid elle dort dans un bain d’eau refroidie puis elle est debout tombée entre deux sommeils, c’est la guerre dit sa fille mais sa fille n’est pas là elle n’est pas rentrée, t’inquiète pas les sirènes font tourner l’… »

Nathalie PALAYRET : Encore et toujours la chaussette
« Encore et toujours la chaussette
Seule de l’espèce non accouplée
Aux tyrannosaures désolés qui… »

Romain PARIS : Les harmoniques du chaos
« Comprenez bien que ce qu’on appelle désordre résulte d’une vue de l’esprit, d’une vision altérée des circonstances et de notre environnement, d’une interprétation erronée des mouvements spontanés qui façonnent et… »

Olivier ROBERT : Un vague goût d’apocalypse
« S’étale à perte de vue
Son crime plus flagrant qu’un soleil
Voyez la terre qui saigne pour lui… »

Stéphen URANI : frouchhh
« C’est comme quand il écrit des trucs. Sans doute la nécessité d’ordonner se fait-elle sentir, mais comment procéder ? Que le monde ait un ordre à lui, c’est entendu, mais à l’intérieur tout ce qui le compose semble avoir son… »

Patrick VARETZ : La Main crispée
« Quand bien même lancés
Du fond d’un naufrage ces
Mots dont l’élan retombe… »

PORTFOLIO : Isthmaël BAUDRY

« J’ai débuté la photographie en prenant des groupes de rock et électro en photo, après ma licence d’histoire, j’ai commencé à sillonner l’Europe Centrale, Balkanique puis Orientale, j’ai appris à peaufiner mes cadrages, de paysages de… »

RUBRIQUES « CRITIQUE »

DISSECTION (21 questions à un(e) auteur(e) connu(e))  :
Lambert SCHLECHTER
« Écrivez-vous plutôt « pour » ou « contre », « dans » ou « hors », « malgré » ou « à propos de » ? J’écris égoïstement, égotistement, autistiquement pour moi. J’écris compulsivement contre l’entropie, contre le crépuscule, contre le… »

DISJONCTION (4 regards croisés sur une oeuvre remarquable)  :
Les juin ont tous la même peau (Chloé DELAUME)
« Elle cherche. Elle, Nathalie Dalain devenue Chloé Delaume. Elle se remet au monde par la mise en fiction d’une histoire familiale terrifiante : son père – qui-n’est-pas-son-père, mais elle ne l’apprend qu’en 2004 – tue sa mère devant ses yeux et se... »

DISSIDENCES (8 coups-de-cœur de lecture)  :
Alain DAMASIO & Benjamin MAYET : Le dehors de toute chose – éd. La Volte
« Ce n’est pas faute d’en avoir soulevé, des essais et des fictions, d’en avoir lu un certain nombre, mais parmi les productions de ces récentes années, je n’avais pas trouvé… »

Corinne LAGORRE : Voyons-nous 
– éd. Sulliver
« « Ça commence comme ça » : elle, sur son balcon au huitième étage d’un immeuble parisien, repeint ses meubles, faisant table rase d’une vie maritale qui l’a « essorée et séchée », où… »

Werner LAMBERSY : Dernières nouvelles d’Ulysse – éd. Rougier V.
« « Ici commence le chant qui durera autant que les hommes. » Dix ans, dit le poète, pour écrire ce long poème, dans le giron d’Ulysse revenant à Ithaque offrir à Pénélope ses trahisons et… »
Jérémie LEFEBVRE : Avril – éd. Buchet Chastel
 » Nous, représentants du peuple, décrétons martyrs les citoyens de droit exerçant les activités d’ouvriers, […] agents d’entretien, hôtes de caisse, téléopérateurs, salariés de la restauration… »
Mariette NAVARRO : Les chemins contraires – éd. Cheyne
« C’est une trajectoire qui sans faire de bruit s’enfonce dans la glace et, dans la chaleur du soleil, reprend son envol. C’est un mystère textuel, un miroir aux multiples facettes, un… »
Stéphane PADOVANI : Le bleu du ciel est déjà en eux – éd. Quidam
« Neuf personnages qui se débattent et cherchent leur souffle aux quatre coins d’une Europe tourmentée, neuf récits comme autant de quêtes de sens et de rédemption. D’une… »
Roger RUDIGOZ : Saute le temps – éd. Finitude
« « Si l’on détestait seulement les gens qui nous font du mal, où serait le mérite ? » Je viens de lire les deux volumes de Roger Rudigoz – deux volumes d’un Journal qui en compte… »
Lambert SCHLECHTER : Inévitables bifurcations – éd. Les doigts dans la prose
« Page 119 (texte 56) : « il ne s’est jamais rien passé dans ma vie, il n’y a aucune biographie à écrire, seulement quelques centaines, quelques milliers de minuscules biographèmes » et… »

DISGRESSION (carte blanche sur un domaine autre que la littérature)
Tristan FELIX : Clown de mes deux !
« Pourquoi, comment devient-on clown, bonne mère ? Digressons par la voie personnelle puisqu’il y a dix ans, dans le Cotentin, je le devins, un soir de nouvel an, entre cinq amis d’une compagnie de théâtre étrange, Le Pergonicaspop, rompue aux… »