VALLENS Perle (extraits)

DISSONANCES #44 | SILENCES
Rien (à dire)

« quelque part l’air se verrouille l’air se verrouille

pas même murmure
mais muré. l’air se verrouille demeuré. l’air se verrouille dans un repli.

bruits rouillés
l’air se verrouille )rompus(
l’air se verrouille l’air se verrouille )brouillon d’avant la parole(

Garder silence l’air se vc’est : renoncer
Garder silence l’air se vc’est : facteur d’inertie
Garder silence l’air se vc’est : mise à distanceGardet (personne n’essaie de parler)

entre deux points de suspension
Garder silenc on compte une… »

DISSONANCES #39 | MUTATIONS
Hypertrophie

« Paraît que ça se voit sur mon visage. Paraît que quelque chose a changé. Moi je ne vois rien, je ressens. Je souffre doucement. Je sais d’avance, je subodore l’odeur subreptice. C’est un avertissement. Je guette la détérioration progressive et la métamorphose annoncée.

C’est un peu comme lorsque j’étais enceinte. Toute la chair qui palpite à l’intérieur, les muscles qui se distendent, les nerfs à vif, le frontispice bien garni du demi-dieu attendu. Cela m’avait fait tout drôle cette modification progressive, cette impression ventriloque d’un être qui répond à mes pensées au fond de mes entrailles, cet autre, futur mini-moi, cette partie fusionnelle de mon corps, que l’on arrachera du liquide amniotique pour mieux le rencontrer et le voir, mieux le toucher, avec mes mains.

Mais là, c’est carrément différent. Les essaims fredonnent à mes oreilles, acouphènes non stop depuis plusieurs jours. La bouche s’ouvre et… »

DISSONANCES #38 | FEUX
Pyrophilia
« Tu la vois cette petite flamme ? Dis, tu la vois ? Tu la vois, oui. Elle vient de surgir, minuscule, fébrile, hirsute petite mèche bleutée. Tu la pares de ta paume droite comme un mur pour la protéger, pour éviter qu’elle ne s’éteigne. Tu l’observes en silence, concentré. Tu ne détaches pas les yeux de sa silhouette tremblante. Elle danse. Elle ondule et ronge la tige de l’allumette qui se noircit sur toute sa longueur. Elle a de l’appétit mais c’est par la faim qu’elle périt. Il n’en restera plus
rien qu’un peu de cendre et un bâtonnet charbonneux.

Alors tu craques une autre allumette. Plus vive, plus haute, décidée, la nouvelle flamme brille jaune. La combustion est plus rapide. Elle en veut, celle-ci. Elle en dévorerait, des tiges. Elle dévorerait un tasseau, une bûche, une forêt toute entière ! Tu la vois, tu la regardes bien droit dans sa pupille dorée. Elle te dévore l’oeil. Elle te grignote le cerveau.

Alors tu prends un morceau de papier et tu l’approches doucement. Au… »