MESSINE Mona (extraits)

DISSONANCES #44 | SILENCES
Ouate et tonnerre

« Il est huit heures, vous sortez de chez vous. Le froid possède une odeur. Sur votre route, au milieu de la ville, il y a les gens qui hurlent ou qui chouinent, il y a les chaussures qui chuintent sur le trottoir et le mot « bitume » qui ne sort pas de votre gorge. Il y a le néant qui résonne et le moteur des voitures, tout autour de vous, dès le matin, l’eau qui tombe des gouttières. Vous entendez l’huile qui s’infiltre et les pièces qui rouillent. La mécanique est bruyante, elle clinque et croustille, pétarade parfois et puis chauffe. Il y a les klaxons et les insultes, les cliquetis, les grincements.
Soudain les nuages tonnent et, sous vos pieds, le sol se décortique, se déplace à cause des vibrations du métro, dans la ville tout bruisse, et vous marchez vers les autres, affolé.e, comme aimanté.e par leur présence. Vous vous jetez vers les passants, les humains, semblables, dès huit heures du matin, éloignés du métal, et vos oreilles vibrent, et les oreilles des sourds vibrent aussi mais cela ne donne rien, vous non plus, le signal, vous ne le comprenez pas toujours, mais le son vous suce et vous réclame. Il vous absorbe mais, pour lutter, vous allez chercher les voix, les paroles que vous connaissez. Des « bonjour » et des « ça va ? ». C’est un… »

DISSONANCES #39 | MUTATIONS
Orbes

« Cela se passe au fond de nos ventres. Une forme de nausée se lève et provoque jusqu’au mal de dos. Il n’est plus possible de marcher sans le sentir. Plus possible de s’asseoir. Cela peut vous réveiller la nuit. Ce sont des fragments de muqueuse qui se détachent et qui, vous le savez, vont ruisseler de l’intérieur jusqu’au sol. Le liquide s’arrêtera-t-il sur vos cuisses ? Une flaque se formera-t-elle à force de ne pas bouger ? Lentement vous sentez votre corps pourrir en dedans et se fragmenter. Vous imaginez les grumeaux grumelés râpeux et sales rouges noirs peut-être, et la peau vomie fermentée déjà qui s’accumule s’agglutine en rang serré prête à tomber d’un seul coup. Vertical, si ce n’est pas dans votre tête.
Vous imaginez le temps qui coule le sang qui touille. Vous pensez à la dernière fois. L’intermède de temps est bien trop court, vous ne vous habituez jamais. C’est né avec vous, avec l’humanité entière, même ceux qui ne se disent pas concernés le savent. Comme toujours, après cela, il y aura l’euphorie, puis la saison de l’habitude, enfin la redescente, un peu de colère, sans aucun doute, et cela reviendra. Vous n’aimerez rien de mieux que les… »