Coup-de-coeur de Sophie WESTENDORP pour Ultra Violette de Raphaëlle RIOL
DISSONANCES #29
Violette Nozière. Un fait divers franchouillard qui a, comme il se doit, enflammé les journalistes, divisé les intellectuels, transformé les dîners de famille en champs de bataille et donné un film de Chabrol. En résumé, une jeune fille des années 30 qui empoisonne ses parents pour fuir l’ennui de leur petite vie bourgeoise. Héroïne des surréalistes, cauchemar des bien-pensants. On ouvre donc le roman de Raphaëlle Riol avec circonspection, en se demandant si on ne ferait pas mieux d’aller directement consulter Wikipédia. Sauf que le sujet du livre, ce n’est pas Violette Nozière. C’est son fantôme, son double romancé, convoqué imprudemment par l’auteure et qui va peu à peu prendre toute la place dans sa vie. « Il n’y a pas de « personnage de papier ». Ceux qui vous soutiendront le contraire sont des universitaires. Un personnage, ça vit. Ça vous suit. Partout. Ça suscite des bonheurs, ça vous crée des soucis, ça vous fait partager les siens. Ça vous change une existence. » Insidieusement, le spectre en robe de soie prend ses aises, éloigne les amis, exige un droit de regard sur l’intrigue. « Alors que l’écriture de ce début de roman s’était bien passée, elle commençait à me réclamer une autre fin que la vraie. […] Changer les ficelles d’un fait divers ne changera pas le cours de l’Histoire, hurlait-elle parfois. » Lutte pied à pied entre un personnage et sa créatrice, tourbillon de passé et de présent, Ultra Violette est un roman audacieux et haletant où le lecteur succombe comme l’auteure aux prunelles noires de la mythique parricide.
éd. du Rouergue, 2015
192 pages
18 euros