ROSSI Clément (extraits)

DISSONANCES #38 | FEUX
Feu de Lou
« Lou traverse le décor de long en large, et je vois tous les objets oubliés qui brillent faiblement sur son passage comme s’ils retrouvaient leurs trois dimensions. J’entends par « décor » la toile tendue dans mon ventre où passent éternellement les films qui ont déjà été projetés une fois et qui se mélangent sur la bobine jusqu’à ne faire qu’un seul film joué plus ou moins en boucle. C’est ce film que Lou traverse en surgissant par l’une ou l’autre extrémité ou même en plein milieu, sans se présenter ni regarder autour d’elle. Elle n’a pas l’air de flâner mais ne semble pas non plus chercher quelque chose, on dirait qu’elle marche par principe ou par ennui. Dans ses pas s’allument des feux clairs et silencieux.
Parfois elle s’arrête et alors le film aussi. Il signifie par là qu’il a reconnu son maître. Elle pleure ou elle rit de son grand rire dégingandé et le sol devient le mur, le mur le plafond et le plafond le mur. Il suffit qu’elle fasse un autre geste et la pièce bascule en avant suivant le même axe de rotation. Tout se retrouve la tête en bas sauf elle qui fait comme si de rien n’était, même quand les cheveux des autres femmes du film balayent les siens comme des… »