RENAUDE Noëlle | P.M. Ziegler, peintre

Coup-de-cœur d’Anne VIVIER pour P.M. Ziegler, peintre de Noëlle RENAUDE
DISSONANCES #42

«  Ils avaient de la chance, les peintres, de ne pas être bridés par les mots et leurs sens […] » Quelques errances universitaires et puis c’est l’évidence : Pierre-Marie Ziegler choisit la peinture, sa mère le lui avait d’ailleurs prédit. Huit ans après la disparition du peintre, Noëlle Renaude raconte l’homme dont elle a partagé l’atelier et plus de quarante ans de la vie. Ce ne sont pas les grandes lignes biographiques qui l’intéressent, mais leurs moments de convergence : escapades, marches en montagne. Elle nous parle aussi bien sûr de celui qui peint avec obstination et méthode son autoportrait ou des arbres dont il ignore le nom, qui dessine pendant quinze ans dans des carnets ce qu’il a sous le nez, canette ou figurine de super-héros, factuellement. Il colle au réel, un réel qui pourtant bien souvent lui échappe. « Le monde en général lui va mal. Ou c’est lui qui va mal dans le monde. » Les évidences du commun ne sont pas les siennes, seules les difficultés lui paraissent évidences : « La fin des histoires éclaire souvent ce qu’on n’a pas vu s’y installer à mesure qu’elles s’inventent. » Ce n’est pas seulement la virtuosité de la langue qui rend P.M. Ziegler, peintre si particulier et bouleversant, c’est cette pudeur. Noëlle Renaude se met au service de l’homme aimé. Elle effectue un travail de mise à distance d’elle-même, d’effacement : elle écrit son destin à lui, son mystère de peintre à lui qu’elle ne cherche pas à percer. Elle essaie juste d’accompagner sa vie et son œuvre, sa fin tragique, « l’élaboration têtue d’une éternité à sa mesure ». Un geste d’amour, un écrin littéraire pour deux magnifiques humanités.

éd. Inculte, 2022
180 pages
14,90  euros