Laurent NICOLAS a illustré DISSONANCES #28 (thème : AILLEURS)
Je me souviens avoir volé la silhouette d’une fille sur la plage, un dimanche au Lagon. Elle est venue parler longuement, comme si le fait de dessiner son ombre sur ce monde se devait de porter aussi son histoire. Une vie en tropique, sur une île que d’aucuns imaginent paradisiaque et qu’elle rêve de quitter. La nuit s’était doucement allongée sur la plage en lieu et place des baigneurs. Nous avions pris le temps de regarder le soleil disparaitre dans l’océan indien avant de se séparer. Comme si nous nous connaissions depuis toujours et repartir chacun de son côté de planète. Je me rappelle quelques heures d’avion plus tard avoir kidnappé les contours d’une femme à une terrasse de café à Paris. Elle téléphonait sans cesse à un homme qu’elle n’arrivait pas à quitter. Elle aussi voulait partir ailleurs. Elle aussi a essayé de raconter qu’elle avait un train à prendre. Ses yeux étaient d’autres possibles qu’elle voulait que j’écrive avec les traits de son visage.
Ce sont ces instants qui m’intéressent, ceux qui tendraient à démontrer que nous construisons notre petite légende personnelle à coups de légers arrangements avec la vérité.
Nous savons fort bien que l’ailleurs idéal est celui que nous construisons et pas celui que nous allons chercher.
J’avais très envie de partager ces ailleurs qui ressemblent à mes silhouettes croisées, des « laissées pour traces ».
Laurent NICOLAS, 2015