Coup-de-cœur de Sara BALBI DI BERNARDO pour Dieu aussi est une chienne de María PAZ GUERRERO
DISSONANCES #44
María Paz Guerrero est née en 1982 à Bogota, en Colombie. Elle a publié plusieurs livres de poésie. Elle suit actuellement un doctorat à l’Université de Saragosse, en Espagne, et enseigne l’écriture créative au département de Création littéraire de l’Université centrale de Bogota. Dios también es una perra a été traduit en anglais par Camilo Roldán (God is a Bitch Too, Ugly, Duckling Press, New York).
Au centre du livre, il y a dieu : « dieu a 53 ans / des rides / dieu est ménopausé […] en plus dieu // est latino-américain ».
Au centre de dieu, il y a le vide, le vide du manque qui engloutit tout : nourriture, antidépresseurs, New York, les cours de lecture rapide, les connaissances, les livres de poésie.
Depuis son centre-vide, dieu se cherche, il « veut être total / c’est pour ça qu’il achète des livres / chaque semaine / vaincre le manque / en étant total », et s’interroge : « depuis combien de temps tu n’as pas lu les journaux, dieu ? » — en un jeu de miroirs dieu/je, ironique et acéré, particulièrement jubilatoire.
Avec ses vers courts, qui claquent, et son rythme torrentiel, le texte cogne comme la violence détruit la Colombie ; et la production de masse, le monde : le rumsteck d’élevage intensif a le goût de la forêt amazonienne qui brûle ; les femmes se faufilent dans des bus bondés au service du patriarcat : « onvacolléesdefrôlements / on nous tripote on nous frotte » ; et partout dans le monde globalisé, les montagnes de déchets s’accumulent.
Dans toute cette démesure, dieu réfléchit, écrit. Dieu est poète. Mais à quoi sert la poésie dans un monde où les singes meurent brûlés vifs ? Peut-être à créer de nouvelles lianes.
traduit de l’espagnol (Colombie) par Stéphane CHAUMET
éd. Dernier Télégramme, 2022
80 pages
12 €