OVIDE | Les métamorphoses

Coup-de-cœur de Julie PROUST TANGUY pour Les métamorphoses d’OVIDE
DISSONANCES #39

Comment faire redécouvrir un classique ? Il suffit, comme le montre ici magistralement Marie Cosnay, d’en faire apprécier la modernité et de montrer qu’Ovide, plus qu’un véritable catalogue de cette mythologie qui nous berce depuis l’enfance, propose un langage en perpétuelle évolution qui peut nous parler à travers les siècles.
En adoptant le vers libre pour rester au plus proche de ce latin tourbillonnant, Cosnay nous invite ainsi à parcourir un univers de «  formes changées en nouveaux corps » fragiles, souffrants et mutants qui, au fil d’un texte-monstre toujours en mouvement, nous en apprend moins sur des histoires devenues universelles que sur la magnifique vulnérabilité de nos existences.
Hanté par l’orgueil, l’amour et le désir (« Chaque fois que je plonge mes baisers vers les liqueurs limpides, / chaque fois il se courbe, bouche renversée, vers moi. / On dirait qu’on peut toucher. C’est tout petit ce qui sépare les amants. »), Ovide n’incarne alors plus ce pensum scolaire dont certains ont peut-être gardé un mauvais souvenir, mais une poésie aventureuse et vivante dont les vers font gonfler nos poitrines d’un nouveau souffle : « je bouge de mon chant les flots immobiles, je pousse les nuages / je fais venir les nuages, les vents je les chasse je les appelle / j’écrase la bouche des serpents d’un mot, d’un poème / vivantes roches arrachées à la terre robuste je les remue ».
On ne peut donc qu’applaudir le superbe travail de traduction de Cosnay, qui réussit avec ce monument antique ce que Déprats avait fait pour Shakespeare et Markowicz avec Dostoïevski : rendre au classique inamovible et intouchable sa verdeur immuable de «  poème sans fin ».

traduit du latin par Marie COSNAY
éd. de l’Ogre, 2017
528 pages
25 €