MOREL DARLEUX Corinne | Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce

Coup-de-cœur d’Alban LÉCUYER pour Plutôt couler en beauté que flotter sans grâce de Corinne MOREL DARLEUX
DISSONANCES #41

Journal de la mer et de la montagne retrouvées, éloge des derniers refuges épargnés par les comptes à rebours, le conformisme, la compétition, le récit prend appui sur l’aventure du navigateur Bernard Moitessier, héraut du refus de parvenir depuis ce jour de 1969 où il décida de ne pas aller au bout de la première course de vitesse en solitaire autour du monde, et de ne pas remporter une victoire pourtant acquise pour échapper aux « faux dieux de l’Occident […] qui nous mangent le foie, nous sucent la moelle. » Après une thèse sur la notion de réussite chez les entrepreneurs et une carrière prometteuse dans un cabinet de conseil parisien, Corinne Morel Darleux a choisi à son tour de tout plaquer pour s’accorder le temps de la contemplation, à l’image d’un marin qui, en se délestant du superflu, gagne en équilibre et en sérénité. « Nous avons besoin pour cela de pieds nus dans la boue, de morsures du soleil, de parfums d’altitude, de piqûres d’orties et de caresses de prairies, du rouge des coquelicots, de sifflets de train et de roulements de tonnerre dans un cirque alpin. » Sans nier l’imminence de la catastrophe (écologique, sociale, éthique) à laquelle nous assistons et participons, cet essai sous-titré Réflexions sur l’effondrement revendique que la lutte, par sa grandeur, porte en elle une part de succès, aussi incertains soient-ils. « La dignité du présent est ce qu’il nous reste de plus sûr face à l’improbabilité de victoires futures, de plus en plus hypothétiques au fur et à mesure que notre civilisation sombre. C’est une manière de faire de nécessité vertu et de ne pas tout perdre à la fin – ou si l’on gagne in fine, de le faire bien. »

éd. Libertalia, 2019
108 pages
10 euros