MONTEIL-BAUER Anne | Ecchymose

Coup-de-coeur de David MARSAC pour Ecchymose d’Anne MONTEIL-BAUER
DISSONANCES #22

ecchymose

Deux femmes se font face. L’une raconte, l’autre écrit. D’un côté la brutalité des faits, de l’autre les mots choisis pour dire la tête contre le radiateur, le viol sur le capot rouge, les coups, la peur, les voisins qui écoutent. L’une est écrivain public, l’autre femme battue. La seconde s’appelle Jeanne, la première Laura. « Les chiffres ont des prénoms. » On avait cru la littérature impuissante face à la mort d’un enfant (Sartre), dont il sera aussi question. Le livre d’Anne Monteil-Bauer montre au contraire qu’il est possible, à condition de brouiller les genres et les ressorts du récit, de passer d’un témoignage à un texte littéraire. À la fois roman, témoignage et poésie, Ecchymose dresse le bilan clinique d’une réconciliation possible entre la vie et la littérature à même de dire, dans une langue puissante et juste, la répétition lancinante des coups, la banalité des insultes ou les douleurs invisibles. La force de ce livre tient dans le fait qu’il tresse plusieurs fils narratifs et propose à la fin, dans un tissage subtil, le récit et son élaboration, la chose et les tâtonnements qui la disent. Les faits devenus texte et livre offrent alors au lecteur la promesse tenue d’une réparation.

éd. À plus d’un titre, 2010
210 pages
16 euros