LIMON Hans | Frères inhumains

Coup-de-coeur d’Isabelle GUILLOTEAU pour Frères inhumains de Hans LIMON
DISSONANCES #33

« Les chaos d’hier font les bosses d’aujourd’hui ». Dans un appartement HLM qui menace de s’effondrer, un enfant pleure en silence. « J’ai pas dix ans, je suis à peine plus vieux qu’un fœtus et j’ai peur de mourir ». C’est que la balle tirée par le père sur le voisin s’est logée dans le mur qui se fissure. C’est que l’enfant, après ce meurtre, a été enfermé dans la chambre, nu et maculé de sang, par son aîné qui le traînera plus tard devant le cadavre de la sœur tuée pour expier les crimes du père et le silence de la mère. Complice, celle-ci a laissé les coups rebondir de frères en sœur, les corps et les cœurs se meurtrir. Résignée, elle énonce, dès la première scène de la pièce, la tragédie à venir : « Ce démon c’est le mien ! Si tu l’enlèves, je suis vide. Un corps sans vie, comme celui des possédés qu’on vient d’exorciser, et qui s’écroulent.  » Il en va de même pour cette fratrie, façonnée par la violence du père, qui pour s’en libérer se déchire. Le martyre enduré ne la soude pas, il anime au contraire une révolte fratricide. Viol, inceste, meurtre, suicide se succèdent dans une atmosphère suffocante qui n’est pas sans rappeler le théâtre de Mouawad ou Koltès. Les dialogues, violents, dérangeants, s’étirent en monologues qui charrient souffrance et colère. Et quand bien même la famille est délivrée du père, sa folie haineuse demeure : « Le père est mort. Le monde est un peu moins dégueulasse. Mais quelque chose de lui est encore vivant. Comme une tique, sa tête est restée plantée dans ma peau ». Les victimes perpétuent le mal et s’autodétruisent, tel est le constat effroyable de ce huis clos familial, à travers lequel Hans Limon nous dresse sa « généalogie de l’immoral ».

Evidence Editions, 2017
128 pages
12 €