LEVEY Sylvain | La fête à venir

Coup-de-cœur d’Alban LÉCUYER pour La fête à venir de Sylvain LEVEY 
DISSONANCES #44

On est dans les Combrailles, entre l’Auvergne et le Limousin, mais il pourrait s’agir de n’importe quel autre paysage périurbain. «  La meuf  », comme la désignent les garçons du bahut, rêve de reprendre la ferme familiale mais voilà, on n’envisage pas une femme sur un tracteur ou, pire, au contact des troupeaux ou des cultures pendant ses règles.
« La capitale c’est deux semaines max par an. Pour le salon de l’Agriculture. Les hommes restent avec les bêtes. Les hommes mangent avec les bêtes. De Paris, ils ne voient que le périphérique par la fenêtre de l’hôtel Ibis. Quand tu seras mariée. Car il est évident pour ta mère que tu seras mariée, Tu iras une fois à Paris pour montrer la tour Eiffel aux enfants, Car tu auras forcément des enfants, ta mère en est certaine. »
Dans le bus scolaire, elle rencontre « le nouveau  ». Celui venu d’ailleurs, celui différent, presque exotique, qui écoute Patti Smith comme elle mais aussi Madame Butterfly, on dit d’ailleurs qu’il est d’origine italienne. « Tu aimes bien Arès. Peut-être que tu aimes tout court Arès. Peut-être tu es amoureuse mais tu ne le sais pas. Pas encore. Les autres ils décident à ta place.  »
Dans ce poème à la lisière du roman, Sylvain Levey restitue magnifiquement les sensations adolescentes (attendre dans le froid, les garçons qui matent, l’ennui des jeudis) et les mots qui vont avec. Dans la nuit qui sépare deux jours de la semaine que dure le récit, il intercale de tendres réflexions insurrectionnelles pour préparer La fête à venir et tenter, « avant que le vent nous fasse tituber de nouveau », d’adoucir l’«  inquiétude des lendemains incertains » qui attendent la jeunesse d’aujourd’hui.

éd. Rue de l’échiquier, 2023
64 pages
12,90 €