HERPE Noël | Dissimulons !

Coup-de-coeur de Sophie WESTENDORP pour Dissimulons ! de Noël HERPE
DISSONANCES #33

Au début des années 2000, bien avant de devenir un écrivain et un historien du cinéma reconnus, Noël Herpe apprend à son grand désarroi qu’il est nommé maître de conférences à l’Université de Caen. « Si le néant avait un visage, il ressemblerait à cette ville aux trois-quarts dévastée par les bombardements et que l’urbanisme triste de l’après-guerre avait achevé de défigurer. » Lui, l’homosexuel parisien hétérodoxe et érudit, prend immédiatement en grippe le microcosme normand, qui le lui rend bien. D’abord plein d’amertume face à l’ostracisme dont il est victime, il se coule peu à peu avec une « obscure jouissance » dans le rôle du paria, figure douce-amère qui le fascine depuis l’enfance. « Je me laissais aller au bonheur de n’être rien. Au fond de ces arrière-salles miteuses où s’entassaient les familles, j’aimais me retrouver sur une scène vide, figurant d’une pièce qui n’avait aucune importance. » Il se trouve un allié improbable aussi rejeté que lui, fomente des révoltes vaines contre sa hiérarchie, se grime à ses heures perdues en personnage féminin fantasmagorique pour choquer encore d’avantage le bourgeois. « En toute occasion, j’exhibais une altérité irréductible, quelque chose qui refuse de se fondre dans aucun moule. Je redevenais l’enfant qui joue tout seul au fond de la cour, qui parle aux arbres, et qui, dès qu’un garçon ou une fille s’approche, ne lui répond que « Zut ».  » Un récit puissant en forme d’hommage aux excentriques, aux différents, aux inclassables qui hantent les marges de toute norme.

éd. Plein Jour, 2016
80 pages
11 €