DISSONANCES #29 | TABOU
Tabou, infiniment
« « Ah mais vous êtes fou mon ami ! »
Imaginons-nous dans une sorte d’amphithéâtre, vers la fin du XIXe siècle. En 1882, pour fixer les idées. Une assemblée d’hommes fort sérieux écoute le discours enflammé d’un tribun au regard de braise. Ce tribun, c’est Georg Ferdinand Ludwig Philipp Cantor, mathématicien de génie et bientôt homme troublé bipolairement.
« Ce que vous affirmez est une infamie ! Personne ne devrait pouvoir affirmer de telles horreurs ! »
L’homme qui harangue si virulemment notre pauvre tribun n’est autre que Leopold Kronecker, mathématicien de génie et bientôt homme troublant bipolairement. Car, en ce XIXe siècle mourant, il existe certes de nombreux tabous, mais le pire d’entre tous, celui auquel il ne faut pas toucher, c’est naturellement le concept d’infini.
« Je préférerai faire l’amour avec… »
DISSONANCES #24 | LE MAL
Logique du mal
« Si l’on en croit les registres de la Société des Amis de l’Axiome du Choix (la SAAC pour les feignants), tenus à jour par le secrétaire ou par son faisant fonction (ce dernier était le plus souvent parfaitement illettré, heureusement), le mal s’introduisit sournoisement dans les mathématiques modernes – et donc au sein même des fondements de notre réel – vers le début du XXe siècle. D’aucuns prétendent que c’est en date du 12 mai 1907, vers 15h, que la chose se produisit. Il est permis de rire d’une telle assertion. Toutefois, les historiens s’accordent sur le fait que ce jour-là, vers cette heure-là, approximativement à cet endroit-là, le jeune mathématicien hollandais Luitzen Brouwer, après avoir sacrifié un varan sur l’autel du formalisme, s’écria : « Mort au principe du tiers exclu et à l’existentiel non constructif ! ». Au sein de l’univers apaisé et bien rangé des mathématiques, le mal fit ainsi une entrée fracassante, plus retors que jamais, plus vicieux que le cercle, plus destructeur qu’une bombe à fragmentation. Seul son nom avait changé. Désormais, le mal s’appellerait « Intuitionnisme ».
Ce 12 mai 1907, aux alentours de midi, Alexandre Plusoumoinslinfini, membre de la… »