GAVARD-PERRET Jean-Paul | Joguet, Joguette

Coup-de-cœur de Tristan FELIX pour Joguet, Joguette de Jean-Paul GAVARD-PERRET
DISSONANCES #39

JPGP, polygraphe supersonique et iconoclaste, critique de littérature et d’arts contemporains, professeur à l’Université de Lyon, nous offre un fabliau tragique, une bogue avec en son cœur les deux moitiés d’un marron que chacun, un frère et une sœur, Joguet vs Joguette, s’est foutu sur la poire dans un rire épique et salvateur, pour éprouver un amour voué à l’échec, non parce qu’adelphique – sororité ou fraternité incesse-tueuse ne sont que signes d’une intimité sans issue – mais parce qu’ontologiquement vicié par les démons personnels – dont celui d’une écriture jaculatoire et survoltée mais tireuse d’élite n’est pas le moindre. Chimère érotique et cérébrale, jamais vulgaire, dont les voix contrastées laissent entendre les harmoniques de Beckett, Céline, Rabelais, Shakespeare, experts en savante farce, en conscience aiguë des abîmes du corps-monde comme en fabrique de langue folle à battre. «  Préférons l’impureté du zoo qui nous habite que la caserne de notre prétendue pureté. Passons du paroxysme de l’idéal à l’abîme bestial. Ne reste toujours que le trou de nuit que nous avons bâti. » Le monstre ici œuvre à s’autodétruire à force d’un idiome bicéphale, qui s’efforce de le sevrer. Dans ce Théâtre de l’absurde qui prend le sexe à bras le corps dans la joie sombre d’un désespoir, nos deux êtres dialoguent avec la tendresse de l’effroi, en quête de rien qui ne soit déjà là ; ils se chevauchent et fourchent sans cesse de leur langue truculente, bouleversants acteurs d’une pudeur vacharde, habile en dissimulation de maux, maquillage de cicatrices. Texte animal qui « renaît de descendre », vorace de sa propre mort. Ici, ça Bande, comme dirait Beckett, et ce n’est pas la dernière.

éd. Z4, 2020
70 pages
10 €