Coup-de-cœur d’Antoinette BOIS DE CHESNE pour La magie dans les villes de Frédéric FIOLOF
DISSONANCES #41
Chez Frédéric Fiolof, c’est fait de bric et de broc, de moments ramassés, longtemps caressés au fond des poches, retrouvés tombés d’une veste mal rangée, galets lisses et plats qui ricochent dans la succession de récits qui composent le recueil. Et ça tombe bien : « C’est un peu magique ces cercles parfaits que dessine autour d’elle une pierre lancée dans l’eau. Même les yeux fermés, on atteint toujours sa cible. » Chaque fragment est d’une justesse inattendue.
En exergue au livre, une citation de Michaux, clin d’oeil qui se prolonge via le narrateur, ce « il » jamais nommé, proche cousin de Plume, qui ne cesse d’être embarrassé par son quotidien, surpris par lui-même, effaré du réel, saisi par la magie des mots, étonné de ses proches, les vivants comme les morts.
On y croise également une vieille fée fatiguée qui peine à réaliser les voeux, un ange intermittent, présent entre deux quintes de toux, le ventre de la baleine, sans oublier les fantômes et les écrivains ici et là. La ville se glisse entre les pages, en coups de vent. Mais ses rues arpentées dont il faut arroser les « chagrins asséchés » n’ont d’intérêt que par leurs habitants : « Le malheur et le bonheur des autres, ça l’intéresse. Et c’est ainsi que souvent, il se rattrape en chemin, surpris de se rendre les égards qu’il se doit. »
Ce sont des pages à déguster le matin pour laver nos regards aux guingois des marées intérieures, guidés par cette haute tendresse des interstices qui détricotent nos certitudes avec une mélancolie nécessaire : « Il n’y aura bientôt plus de tristesse dans sa main, et il a peur que le monde prenne froid. »
éd. Quidam, 2016
103 pages
12 euros