Coup-de-cœur de Justine ARNAL pour La double réfraction du spath d’Islande de Béatrix BECK
DISSONANCES #39
La double réfraction du spath d’Islande, c’est le titre que Béatrix Beck aurait souhaité donner à un livre mais « sans savoir qu’y mettre ». Les éditions du Chemin de Fer, en 2014, ont trouvé pour elle : ils ont alors publié un recueil de 43 nouvelles et textes autobiographiques, inédits ou parus en revue, de celle qui fut, à la parution de Léon Morin, prêtre, en 1952, la deuxième femme à obtenir le Prix Goncourt (créé en 1903).
Recueil où s’égrènent les leitmotivs d’une auteure aimantée par les ambiguïtés et les marginalités, passionnée des mots, dévouée à leur matérialité sonore (« Les zobs secs, c’est triste. Je n’en veux pas. ») et s’attachant, toujours, à donner la parole à ceux qui ne l’ont pas : « – Un héros de roman, c’est qui ? / – N’importe qui. / – Sans préférence ? / – Plutôt les anormaux. Il y a plus d’au-delà en eux. »
On y trouve, entre autres : les fantasmes inspirés par Angèle Pompéi, et son rôle inconscient dans l’inspiration du titre de ce recueil ; les effets du silence de Dieu et des trous de mémoire ; une chronique de mode fort érudite ; un entretien imaginaire écrivain/journaliste ; les prémices du roman Josée dite Nancy ; le parcours de son père écrivain ; une lettre posthume, féroce d’amour, dédiée à sa mère suicidée ; un portrait de Roger Nimier ; une ode aux boîtes aux lettres, aux rêves, à Tarzan, aux librairies…
On y trouve surtout une écriture de foisonnement dans la concision, pointilleuse, pleine d’humour noir. Sans transitions et décousue. Châtiée et argotique. Baroque et fantastique. Acoquinée aux coq-à-l’âne véloces et incisifs. Pleine d’ellipses, de joutes verbales, de féerie, de fantaisie, et d’onirisme.
éd. du Chemin de fer, 2014
200 pages
19 €