BANKS Iain M. | Efroyabl Ange1

Coup-de-cœur d’Aurélie TRONCHET pour Efroyabl Ange1 de Iain M. BANKS
DISSONANCES #39

« Alors ce fut comme si tout lui était retiré : les sensations, la mémoire, l’individualité, jusqu’à cette notion d’existence qui gît sous toute réalité […] et l’espace d’un instant immesurable et infini, il n’y eut plus que la vague perception d’un résidu – qui n’avait ni esprit, ni but, ni entendement, rien que la certitude d’être » : au seuil du chapitre 1, telle est l’annonce de l’expérience des 300 pages à venir. Excroissance polyphonique et polymorphe entre la science-fiction d’Iain M. Banks et la fiction onirique d’Iain Banks sans M., Efroyabl Ange1 se met en bouche, tourne en boucle, parfois se scande, emplit les yeux et la pensée de paysages et de cités à la perspective impossible. La Dévoration approche pour engloutir la Terre, et le Roi et son Consistoire œuvrent à s’octroyer une issue pour l’élite en négligeant le peuple. Sous la réalité pulse, au très grand ralenti, le flux continu de la Crypte, espace de la narration omnisciente. Quatre personnages-voix cheminent chacun dans leur dimension spatiale ou temporelle afin d’inventer un autre dénouement que la Dévoration. Il y a celle qui naît sans langage pour porter un message, il y a un.e grand.e Savant.e qui devient iel et son secondère, il y a le Comte, militaire mort et mort encore, premier ou dernier voyageur de la Crypte, et enfin il y a Bascule la Crapule, le Rakontör zéro, sa monolangue phonétique et ses aventures cryptiques au milieu des paresseux et des gypaètes parleurs. «  Kan vou vou zatandié vréman a ètr mor, sa fè 1 drol de kou dvou révéyé vivan. » Combien de vies vit-on ? Combien de fois lire l’histoire ?
N.B. à lire, aussi excellemment traduit, chez le même éditeur, Le chant de pierre.

traduit de l’anglais par Anne-Sylvie HOMASSEL
éd. L’Œil d’Or, 2013
300 pages
18€