DISSONANCES #32 | NU
En pelotas (lettre pour te la mettre)
« Vais tout te prendre, hijo de puta, je te dis. L’appartement, les enfants, l’argent, la viande, les os, los huevos, la voiture, les allocs, les organes et les meubles. Vais te faire rendre jusqu’à la dernière goutte. D’eau, de sang, de foutre, de sueur, jusqu’au moindre centime et la dernière humeur, lueur, tumeur, espoir. Ton heure, pour toi hélas, elle a sonné. Je vais t’essorer, t’éplucher, te rincer, te détrousser, te rançonner. Te mettre à poil. En pelotas, te vas a quedar. Tu vas te rendre et rendre l’âme, ¡hijo de la gran puta ! Je vais te faire la peau, les poches, l’amour, un dernier tour, un dernier round, y basta. Vais me te faire, je te dis, me te faire une putain de última vez, avant que tu retournes à ton état primero, cabrón, à ta maman, à tes hermanas, à la flaccidité de ton destin, au cloaque d’où je t’ai extirpé un jour, maldito día de mierda, je vais te rendre et rendre le peu de toi que je ne digère pas, car, ¡ánimo !, j’ai l’estomac bien accroché. Haut les coeurs, oui ! j’engloutis tout, j’assimile casi todo, le gras, le dur, le mou, l’indescriptible, la glue, le sel, le sable et même la mierda dont tu es fait, je ne rendrai qu’un peu, nada, juste un peu de toi avec la bile, ta peau, ma bile, ta peau… tu vois, ta peau, cabrón, est immangeable, je la cracherai comme... »
DISSONANCES #30 | QUE DU BONHEUR !
Je me creuse
« je me creuse pour être vide pour le désir d’être pleine. Je veux être vide pour pouvoir être pleine. Je me creuse parce que j’ai envie de me remplir. Tu me creuses parce que tu as envie de me remplir. Tu me remplis parce que tu as envie de te vider. Pour mieux me remplir. Pour mieux te vider. Tu te vides pour pouvoir te remplir à nouveau. Pour être plein. Tu te remplis parce qu’encore une fois tu as envie d’être vide pour le plaisir d’être vide. Tu es vide, je suis pleine. Je me vide, tu es vide encore vide. Je me remplis pendant que tu te vides et te remplis, te vides et te remplis, te remplis, te vides, me remplis, me remplis, me remplis. Tu ne me vides jamais. Tu ne te remplis pas longtemps. Je me vide toute seule. D’un coup je me vide. D’un coup : vide. Je ne suis ni pleine ni vide, je suis fermée. Je me creuse parce que j’ai envie d’être pleine. Je m’ouvre pour toi, pour que tu me remplisses, pour que tu te vides, pour que tu te remplisses. Pour me sentir pleine pour pouvoir me vider pour avoir envie de me remplir. Je me… »
DISSONANCES #29 | TABOU
La bergère et le lilas
« J’étais bergère ma mère cueillant des lilas.
J’étais bergère mon père les cueillant dans mes bras.
Mon père sentait la terre et ma mère j’aimais ça.
Mon père sentait la terre quand il passait par là.
Ses mains larges comme le ventre et mon ventre aimait ça.
Dans les champs de lilas dans l’enclos des moutons
Plus d’une fois ses moustaches quand ma mère n’était pas.
Si c’était jour de lune il passait par derrière
Il sentait moins la terre mais mon ventre aimait ça.
Dans un champ de lilas sous un arbre à noisettes
Nous mangions des noisettes et mon ventre aimait ça.
Au printemps cette année les moutons s’égarèrent
La charrue allait seule et ma mère nous… »