Coup-de-cœur de Sara BALBI DI BERNARDO pour Réveiller les morts de Ron RASH
DISSONANCES #47
C’est la première fois que la poésie de Ron Rash est traduite en français. Davantage connu par le public francophone pour ses romans noirs, l’auteur redonne vie, dans ce recueil de 125 poèmes, à quatre générations d’ancêtres en un siècle d’histoire du Sud des Appalaches, sur l’ancienne terre indienne cherokee où il a grandi.
Chaque poème est une micronouvelle, une courte scène : un personnage, un paysage, un objet nous transportent dans un autre temps et convoquent tous nos sens, comme si nous ouvrions une capsule temporelle depuis longtemps enfouie. La dimension cinétique des poèmes de Rash fait que parfois ils semblent être une version animée de photographies de Dorothea Lange ou Mary Ellen Mark, et la puissance sensorielle de l’écriture empoussière les mollets et assoiffe.
La terre sous les ongles, le vent sur le visage, nous parcourons une fresque multigénérationnelle de corps tordus par les champs, brisés par l’usine, heurtés par l’histoire ; nous faisons la connaissance d’hommes et de femmes qui aiment, espèrent, invoquent et résistent, dans une lutte entre la vie et la mort jusqu’au surgissement possible de l’extraordinaire, comme la rencontre d’une femme, au fond d’un lac, lors d’une balade en bateau à Jocassee, une ancienne vallée ensevelie sous un barrage : « Soudain, elle frissonne, / quelque chose de sombre est venu / sur elle bien qu’aucun / nuage n’ait obscurci le soleil. / Elle ne chante plus. / Elle croit que quelqu’un vient de traverser sa tombe / alors elle s’y rend ; / une tombe que tu viens de survoler, / en te demandant pourquoi elle a levé les yeux. » Nous refermons le livre, les cinq sens à vif et le sixième en étendard.
traduit de l’anglais (États-Unis) par Gaëlle FONLUPT
éd. de Corlevour, 2024
176 pages
18 €