MINIAC Jean | Le Jour

Coup-de-coeur de Tristan FELIX pour Le Jour de Jean MINIAC
DISSONANCES #23

le jour

« Lorsque j’ai appris qu’il manquait un poil à son paillasson, / J’ai vite couru rue de Rivoli pour le remettre en place. » L’homme au paillasson est l’un de ces poèmes sobrement stupéfiants qui créent sur le champ un lecteur humble, attentif, d’une maniaquerie iconoclaste en ces temps de lecture au coupe-coupe. Ici, le poète, dans la gaine précieuse de sa langue, plie et déplie une matière souple, au point que chaque poème redevient un autre lorsqu’on y cherche une évidence. N’est-ce un peu cela, l’acte poétique, que de couler au moment où une main vous tire des abysses ? « on compte trois corps sur lesquels on peut compter – peut-être moins, et lorsqu’ils sont salés et blanchis à leur tour, / Alors les yeux se tournent vers l’étendue pétrifiante – mais si douce. » Le poème inaugural accule au pied des falaises, interrogeant la possibilité du poème dans la vie. Oui, à condition de s’en envelopper pour faire corps avec lui, se dissoudre en son eau trouble. Certains savent faire cela. Dialogues illuminés, méditations, images saintes et saynètes se côtoient dans les ruelles d’un village mental où l’on fait halte, « la mie de pain de l’âme, pilée entre les doigts  ».

éd. Bleu d’Encre, 2012
54 pages
5 euros