MÉNARD Sébastien | Quelque chose que je rends à la terre

Coup-de-cœur d’Ingrid S. KIM pour Quelque chose que je rends à la terre de Sébastien MÉNARD
DISSONANCES #44

Le zen, le temps, « la vie bonne, une langue de hasard et d’errance », la nature fugace et frustrante de la poésie elle-même, mais chercher, voilà, m’a-t-il semblé, le principe au cœur de ce recueil cohérent et délicat. Chercher, mais pas n’importe où : dans la terre elle-même, pas comme émanation post-new-age mais bien matière vivante, odorante, fertile, traversée de fleuves et de trains, qui nourrit les bêtes, les feuilles de moutarde, le chou perpétuel et la poésie elle-même. Chercher, mais pas, non plus, n’importe comment : « traversé par la joie de parler », plein du « silence crié » qu’est, peut-être, la poésie. Et que la forme suive le fond, en alternant vers libres, aphorismes ou dits de griot, et que la langue cherche aussi, se cherche aussi, en parlant de, de l’extérieur, de comme à propos puis en incarnant, en parlant de-puis quand décrire ne suffit plus – puisque rien ne suffit vraiment, cesser de décrire pour devenir, devenir pluie, buffle, confins ou même, sans modestie aucune, « le bois de KobyŁka » qui pleure les bêtes mortes. Chercher enfin, mais pas avec n’importe qui. Et de Claude Roy à Guillevic, de Ginsberg à Lahu, ils sont nombreux mais choisis, ceux qui accompagnent Sébastien Ménard dans sa quête. « La poésie / et quinze fraisiers / ou de l’ail des ours », voilà ce qui sauve le monde dans le monde selon lui. Et on a envie d’y croire, même s’il n’y croit plus vraiment à quelques vers de distance – piège du lyrisme, on le sait bien, que «  non la poésie ne sauve de rien ». Ce que le poète rend à la terre ici est un hommage profond et léger tout à la fois, parfois désabusé, et surtout, je crois, parfaitement indispensable.

éd. publie.net, 2021
144 pages
15 €