Coup-de-cœur de Tristan FELIX pour La célébration du lézard de Quentin MARGNE
DISSONANCES #46
Sous l’égide de l’auteur Antonio Moresco, ermite lumineux en butte au monde dévastateur, ce premier roman d’un penseur ébloui, en quête d’ailleurs et de sens face à notre débâcle, transporte, dès l’orée, dans une dimension à la fois poétique, métaphysique, politique : « Ensemble, nous déclarons que l’aube n’est pas si importante ». Il est rare d’être transporté si loin, si vite – comme par une vision ou un rêve chamanique – dans une forêt lors d’une rave party, entre squelettes mexicains, sound system, gaz hilarants, cyber punks et danseurs pulsionnels. Puis soudain : « Un hêtre […] bat lentement son feuillage au vent, sa cime relie des molécules les unes aux autres ». Nous suivrons Ulysse et Hector, ressuscités d’un mythe, à la lisière de l’existence mais au cœur d’un rêve puissant. Amis à la vie à la mort contre l’obéissance, mus par des fulgurances poétiques, escortés par une machine à écrire magique qui délivre des intuitions quantiques et se met en quête de la phrase ultime qui sauve la vie, ils vibrent avec ce qui demeure étranger aux autres. Émanation de Jim Morrison, Saison, un lézard sorcier, inquiétant, imprévisible mais protecteur, initie le narrateur aux pouvoirs surréels de la langue. Qui sont les zombies ? « Les humains [qui] ne savent plus ce qu’ils font ni pourquoi ils le font » ou nos guides « qui ventriloquent la nature » ? Ce court récit, écho lointain de la beat generation, est d’une fraîcheur et d’une densité folles. Les images affluent par les angles morts de notre cerveau possédé par sa langue. Il agit littéralement sur notre envie d’en découdre avec l’immonde : « Ce monde est un abattoir, pas d’échappatoire mais on va leur montrer nos viscères à ces têtes de morts ».
éd. Le Soupirail, 2021
120 pages
15 €