LIMON Hans | Poéticide

Coup-de-cœur d’Isabelle GUILLOTEAU pour Poéticide de Hans LIMON
DISSONANCES #36

« Tous les crever ! Tous les rayer ! » C’est par cette injonction que s’ouvre Poéticide, dont les poèmes, à l’exception du dernier, sont barrés, et les poètes assassinés par le verbe fougueux de Hans Limon : « C’est au berceau qu’il faudrait les prendre. Les pendre. Avant qu’ils ne sachent écrire ou parler, autrement dit mentir, aveugler, recouvrir, dissimuler. Des faux-monnayeurs par nature ou vocation. Le ver est dans la pomme et la pomme en ma paume : à moi de l’engloutir. »
Jailli d’une écriture frénétique sur un téléphone portable au terme de quatre jours de marche, Poéticide retrace le parcours d’un vieil homme dialoguant avec Shakespeare, Hugo, Rilke, Rimbaud et autres figures du père. Avec cette oeuvre insolite, subversive, jouissive, Hans Limon joue des genres et des codes, renouant avec la poésie classique dans une langue inventive, triviale et précieuse, non dénuée d’humour potache (« Quand les pourvoyeurs de crachats / Prendront ma poésie sous le bras / On débarrassera les linceuls / Et Rimbaud pissera le choléra »).
À l’issue de ce tendre jeu de massacre-hommage irrévérencieux, le personnage redevient jeune homme, et le dernier poème, qui s’achève dans un grand cri cosmique, donne à voir une poésie purifiée, un poète devenu voyant : « J’ai vu / Des galaxies-pieuvres embrassant maintes épaves sismiques / Piquées d’étincelles frondeuses / Des planètes siamoises vrillant comme de multicolores / Toupies / Dans leurs jupes ceinturées d’or chamarrant l’infini rieur / De brutes bordées crachant le météore et le chaos »
« LA POÉSIE N’EXISTE PAS », conclut l’auteur. Elle est en effet sans cesse à réinventer.

éd. Quidam, 2018
92 pages
13 €