Coup de cœur de Sara BALBI DI BERNARDO pour Gaza : y a-t-il une vie avant la mort ? d’Abdellatif LAÂBI & Yassin ADNAN
DISSONANCES #49
Lutter contre un génocide, c’est aussi sauvegarder la culture que l’État génocidaire cherche à anéantir ; lutter, c’est aussi lire. Nous devrions toustes lire et nous passer de main en main ce livre qui s’élève en plein massacre, en plein silence du monde.
Vingt-six voix ont été réunies dans cette anthologie de la poésie gazaouie, vingt-six cris de vies brisées, depuis un lieu rayé de la carte. Il faut prononcer le nom des poètes : Rifaat al-Aareer et Noureddine Hajjaj ont été tués par l’armée israélienne en 2023, le père de Kawthar Abu Hani est mort dans un bombardement israélien, la librairie fondée par Mosaab Abu Toha a été détruite, Haydar al-Ghazali a interrompu ses études parce que l’université n’existe plus, Othman Husaïn fait partie des déplacé·e·s qui errent de camp en camp, Alaa al-Qatraoui a perdu ses quatre enfants lors du bombardement de sa maison, les forces d’occupation lui ont ensuite interdit de fouiller les décombres pour retrouver leur corps.
Nous devons lire les poètes pour les laisser parler. C’est notre devoir, notre moindre devoir d’observateurs lointains, impuissants et honteux. Husam Maarouf nous interpelle : « Vous pouvez nager longtemps dans cet air furieux / mais celui qui se tient derrière les jumelles / ne peut pas sauver le noyé ».
Alors je lis les poètes, je lis Haydar al-Ghazali : « J’ai honte quand je passe tout entier / devant une femme / ramassant les morceaux de ce qui reste / de son enfant », je lis Alaa al-Qatraoui : « Je ne vais pas bien / car j’ai cru avoir survécu à la guerre / mais en vérité / j’y suis morte plusieurs fois plutôt qu’une / même s’ils ont cru que j’y ai survécu », je lis, je lutte.
traduit de l’arabe (Palestine) par Abdellatif LAÂBI
éd. Points, 2025
208 pages
10,80 €