Coup-de-cœur de Jean AZAREL pour Poèmes du Wessex de Thomas HARDY
DISSONANCES #43
L’œuvre romanesque de l’anglais Thomas Hardy (1840-1926), parce qu’elle fit scandale à sa parution (Jude l’Obscur) ou fut notablement adaptée au cinéma (Tess d’Urberville), a peut-être fait méconnaître le poète. Écrits à la soixantaine, ses Poèmes du Wessex comptent pourtant parmi les fleurons du post romantisme : « Ce jour d’hiver, nous longions un étang / le soleil était blanc, comme maudit de Dieu ».
Chez ce topographe méticuleux des territoires et des états d’âme, la permanence de la campagne (à une époque où elle commence à disparaître) et la présence de l’histoire forcent les portes de l’intemporel pour faire pénétrer le lecteur dans un univers singulier, marqué par la tristesse d’une vie compliquée : « Je distingue les mois à leurs habits de soleil ou de pluie / les midis à leurs formes variées et multicolores / je vois surgir les ombres de la nuit / j’entends les heures mornes sonner dans l’insouciance. »
Amoureux idéaliste des femmes, Hardy sait que le temps est un implacable persécuteur des sentiments : « Vous aviez pour moi le regard qui se perd / dans la banalité des secrets éventés / nous échangions quelques paroles / qui appauvrissaient d’autant notre amour. »
Le regard n’en est pas moins étonnamment moderne dans son expression fataliste à l’ironie mordante : « Chère Lizbie Browne / j’aurais dû penser que « les filles mûrissent vite » / te séduire et te posséder / avant que tu ne partes. »
Avec sa traduction toute en subtilité, Frédéric Jacques Temple exhale à merveille le sensuel et morbide grouillement de matière qui fait la patte de Thomas Hardy.
traduit de l’anglais par Frédéric Jacques TEMPLE
éd. de la Différence, 1994
126 pages
8 euros