Coup-de-coeur de Tristan FELIX pour Opium Poppy d’Hubert HADDAD
DISSONANCES #22
Du ciel à la fange, le récit transmute ses substances : aucune scène de massacre qui ne résonne des litanies d’un vieux Sikh. Nul émoi du cœur qui ne soit brouillé par la dépossession de soi. Pas une méditation sur l’univers qui n’éprouve le corps à corps avec le double. Alam, le petit clandestin, a le don de traverser tous les êtres qu’il croise, sauf le sien, absenté depuis l’enfance. Le lecteur le porte à son insu, du cimetière de Pantin aux montagnes afghanes défigurées par les affrontements entre insurgés et narcotrafiquants, d’un immeuble de Kaboul aux tentes d’un canal parisien. Parabole romanesque, sociale et politique, Opium Poppy figure l’enrôlement comme un arrachement, la violence comme un suicide, la haine comme un désespoir : oui, vitrioler celle qu’on aime, pour s’annihiler en elle. Nul misérabilisme, mais une sensibilité obsessionnelle à l’intelligence cosmique des forces de la mort : « Puis les grands miroirs de l’aube oscillaient d’un coup, muant les ruissellements d’étoiles en un unique foyer de forge et l’air peuplé d’oiseaux en sombre terre morte ». Un récit vibrant d’une tendresse pour l’humanité traquée par son inanité.
éd. Zulma, 2011
171 pages
16,50 euros