GRACIANO Marc (extraits)

DISSONANCES #45 | TOXIQUE
La mandragore
« Il allait à la borde chercher le grand livre dans sa niche poussiéreuse, qu’il portait péniblement jusqu’à la table de pierre à l’extérieur, à cause qu’il n’aurait plus désormais pris le risque de l’ouvrir dans l’ombre, et de devoir l’éclairer avec sa lampe, et faire chatoyer les images, et les faire se mouvoir, et s’animer fantastiquement, comme jadis cela avait été, tellement qu’il en fut maladivement fasciné, au point de devenir chétif de l’ouvrage, restant incessamment à son chevet à le consulter, sans dormir, oubliant de manger et même de boire, ce qui l’avait amené, en plus de succomber à la folie, à frôler la mort, et, donc, à la claire lumière du jour, il consultait sans danger les pages dévolues aux plantes interdites, et il apprenait leurs noms, ceux en latin, mais surtout ceux vernaculaires, desquels il appréciait la sonorité, et qu’il trouvait davantage beaux, à leur façon, sans doute à cause qu’ils lui rappelaient le parlement des gens simples autour de lui pendant son enfance, et il apprenait leurs vices ou leurs vertus, selon le point de vue moral où l’on se place, et ainsi apprit-il l’hellébore noir, ainsi nommé à cause de la couleur des graines que contiennent ses follicules, ces derniers n’étant jamais que ses feuilles qui se… »