GOIRI Jean-Claude | Ressacs

Coup-de-coeur de Tristan FELIX pour Ressacs de Jean-Claude GOIRI
DISSONANCES #35

Ce veilleur à vif pilote avec ferveur la revue FMP et les éditions Tarmac. Copeaux contre la Barbarie chez Tarmac s’ouvrait ainsi : « l’inculture se cultive en perçant la rétine – avec une balle c’est mieux » ; Ressacs, plus intime, annonce : « j’écris pour que mon corps prenne moins de place ». Le poète engage sa langue dense et lucide, où luit parfois la candeur panique de Michaux, dans une lutte contre l’emprise et l’imposture. Contre l’impuissance ou la défaite du corps « Il lève le poing comme un fœtus dans sa poche » car tout renaît du vide qui n’est pas rien ! « Il faut mourir une chose en soi pour en faire naître une autre » jusqu’à « L’extase de déterrer ce qu’on ne savait pas ». Les treize encres sombres et diaphanes d’Ysabelle Voscaroudis, par ailleurs comédienne, chanteuse et art thérapeute, absorbent en leur fluide des paroles de l’auteur, les rendant à leur humeur native. Ouverte aux ressacs ou ferme en sa tenue aphoristique, l’écriture croise ici le signe mallarméen : «  Un mot se mesure au poids du silence qu’il provoque ». Point de littérature sans cette sidération qui cloue le bec à l’instant même de la profération. Or, cet impensable de la présence/absence et du dedans/dehors libère malgré lui, comme en deçà du signe, l’interface d’une conscience primitive qui serait l’espace même du langage qui advient, qui accouche on ne sait même pas de quoi, car l’identité de soi toujours flotte, jamais finie. « La solitude, c’est la conscience de l’autre ». Et si, en ce cinquième opuscule du poète nancéen, l’autre n’était pas cette scie du je rimbaldien mais la poche où renaître grandi et transfiguré ?

éd. Z4, 2018
46 pages
12 €