Coup-de-coeur de Christophe ESNAULT pour La vie l’amour la mort le vide et le vent de Roger GILBERT-LECOMTE
DISSONANCES #29
On connaît Gilbert-Lecomte quand on a lu Le Grand Jeu (trois numéros entre 1928 et 1930), revue qu’il a animée aux côtés de René Daumal et qui en marge des surréalistes a créé un mouvement pas si éloigné de celui d’André Breton (à qui ceux du Grand Jeu refuseront une collaboration des deux groupes), le poids dogmatique en moins, la volonté de retour à la simplicité de l’enfance en plus, sans cracher pour autant sur les drogues. Les éditions Prairial proposent ici la réédition des deux livres de Gilbert-Lecomte et cela vaut le détour : s’y mêlent des poèmes qui, soixante-dix ans après, viennent s’inscrire dans notre XXIème siècle comme s’ils avaient été écrits par un contemporain et qui savent attraper le lecteur pour l’embarquer en poésie insolite, curieuse et percutante, avec une grande économie de mots et d’effets. On y croise ainsi le pendu : « Au creux de l’estomac / Toute l’angoisse du monde / Qui serre / Le nœud coulant. » ou de simples instantanés : « Entre les lèvres du baiser / La vitre / la solitude. » L’amorce du recueil opère via le champ théâtral. Parmi les poèmes, certains m’évoquent des textes de chansons qu’il serait bon de mettre en voix pour relever le niveau de la chanson française. En ouvrant cet ouvrage au hasard, vous tomberez peut-être sur cela : « Que vous êtes pourris vivants cerveaux d’ordures / Regardez-moi je monte au-dessous des tombeaux / Jusqu’au sommet central de l’intérieur de tout / Et je ris du grand rire en trou noir de la mort / Au tonnerre du rire de la rage des morts. »
éd. Prairial, 2014
115 pages
9 euros