Coup-de-coeur d’Isabelle GUILLOTEAU pour Mugelières de Moncef GHACHEM
DISSONANCES #26
Dans le maillage de ses Mugelières, le poète tunisien nous livre six nouvelles ancrées à Mahdia, son « port de fertilité et de trésor à écailles vibrantes ». Il y fait revivre ancêtres et figures familières de pêcheurs tunisiens et italiens, dans le quotidien du port et du café Blayatt, où il découvre la poésie de Marius Scalési, le maudit, auquel le dernier texte rend hommage. Au détour d’une pêche au mulet ou à la saupe, le poisson narcotique, le poète réveille l’histoire de Mahdia et ses « aubes à vaste clarté » : « comme un grain semé pour une pluie fécondante et volubile, que ma voix devienne l’épi fertile de ma ville, qu’elle soit à la fois le chant et l’enfant de sa mémoire maritime ». Six tableaux qui évoquent le bleu paradis de l’enfance, la nostalgie d’une époque où les marins, soumis aux lois de la mer, se transmettaient les techniques de pêche ancestrales. Six chants qui disent la force de l’appartenance à la grande famille de la mer, l’attachement aux hommes et aux lieux comme le cimetière marin de Mahdia : « je voudrais tant dire à ces vieilles barques, dans le vieux port où mon père et mes aïeux ont vécu, combien je leur dois d’amour et de vie ». Six textes qui renvoient aux sources de l’écriture de Moncef Ghachem, dans « la mer de la profusion, des promesses nourricières et d’intense rêverie », révélant une langue exigeante, où le sens du détail, des noms des poissons à ceux des filets, donne au récit sa poésie et traduit la volonté de dire dans une parole limpide, un monde révolu, celui de la Méditerranée côtière de l’après-guerre.
éd. Apogée, 2013
112 pages
15 euros