Coup-de-cœur de Justine ARNAL pour Une grande maison cette nuit avec beaucoup de temps pour discuter d’Hélène FRÉDÉRICK
DISSONANCES #42
Le titre de ce recueil, constitué de courtes notes obliques accumulées au fil des jours auxquelles sont adjointes les chroniques publiées par Hélène Frédérick dans le journal culturel Le Bathyscaphe, est la réminiscence d’un rêve fait par son autrice. La couverture d’Une grande maison cette nuit avec beaucoup de temps pour discuter nous donne à voir une figuration graphique et typographique de ce rêve. Choix idoine, qui va au-delà d’une simple réussite esthétique : nous sommes réellement conduits dans une maison fabuleuse. Car chaque note, chaque chronique est comme un rideau qui se soulève, une fenêtre qui s’allume, une porte qui s’ouvre. Ici, la retaille d’un souvenir, d’un voyage, d’une rencontre… Là, quelques prises arrachées au fil des jours, à l’angoisse, à l’enfance. Un agrégé de fulgurances soustraites à l’oubli. L’ensemble du livre vient révéler et prolonger le rêve d’un espace où se conjuguent tous les temps et tout ce qui fait monde : relations, contemplations, littérature. Un espace-antidote aux « jours de foi abîmée par les petits chiffres ». L’autrice parvient à faire exister non seulement ce que peuvent la lecture et l’écriture dans l’accompagnement de la saisie d’une vie, mais aussi et surtout comment celles-ci soutiennent le réel : « Cela veille. L’écriture et la création veillent sur nous. » ; « Le récit, qui n’existe pas encore, je le sens battre en moi. Un amant libre et enthousiaste, ébouriffé et gourmand. » La langue d’Hélène Frédérick, dont la concision et la densité révèlent la puissance, se colore par endroits d’accents perecquiens ; elle est implacablement nette et poétique : « Un point un petit personnage dans une image que le soleil ne parvient pas à réchauffer. »
éd. L’Oie de Cravan, 2022
124 pages
14 euros